JFHOD

P.064 - Altérations moléculaires et sélection clonale chimioinduite par les alkylants dans les tumeurs neuroendocrines pancréatiques (TNEP) métastatiques

L. de Mestier, O. De Rycke, J. Masliah-Planchon, R. Nicolle, O. Hentic, V. Rebours, V. Paradis, I. Bieche, P. Ruszniewski, A. Couvelard, J. Cros

Introduction

Les alkylants constitue l’une des chimiothérapies de référence chez les patients ayant une TNEP métastatique. Le témozolomide (TMZ) pourrait favoriser la progression des TNEP vers un plus haut grade de malignité et l’acquisition d’un phénotype hypermutateur, comme documenté dans les glioblastomes. Notre objectif était d’explorer l’impact moléculaire du TMZ sur les TNEP en comparant par une analyse multiomique les tumeurs des patients avec et sans progression vers un haut grade de malignité.

Patients et Methodes

Parmi tous les patients consécutifs traités par TMZ ± capécitabine pour une TNEP de bas grade (G1 ou G2) métastatique entre 2009 et 2020 dans un centre expert, nous avons inclus ceux chez qui des prélèvements tumoraux ont été réalisés avant et après traitement par TMZ, sans progression précoce sous TMZ et sans autre traitement cytotoxique reçu entre les deux prélèvements.

Le matériel tumoral pré- et post-TMZ a été relu et un ou plusieurs prélèvements ont été réalisés selon l’hétérogénéité de l’immunomarquage Ki-67 en vue de l’extraction d’ADN et ARN. Un panel de 571 gènes impliqués en oncologie a été séquencé pour analyse du profil mutationnel, des anomalies du nombre de copies chromosomiques et estimation de la charge mutationnelle tumorale (TMB). Nous avons déterminé la meilleure hypothèse d’évolution phylogénique entre les différents prélèvements pour chaque patient. Un séquençage du transcriptome a également été réalisé (n=20) pour analyse GSEA.

Résultats

Parmi 107 patients identifiés, 57 avaient eu un prélèvement tumoral avant et après le traitement, dont 29 (51%) montrant une progression vers un haut grade (G3). Après application des autres critères d’exclusion, 20 patients ont été inclus, dont 12 chez qui la TNEP est devenue G3 après le traitement par TMZ. La majorité des patients exclus avaient reçu un autre traitement cytotoxique entre les 2 prélèvements. Au total 18 prélèvements pré-TMZ et 35 post-TMZ ont été étudiés, séparés entre eux de 19 mois en médiane avec une dose médiane de TMZ reçue de 1550 mg/m2 (similaire entre les 2 groupes). La progression G3 était associée à une survie plus courte, tant à partir du début du TMZ (p=0,01) qu’au moment du nouveau prélèvement (p=0,03).

Il n’y a avait pas d’anomalie prédictive de la progression G3 dans les prélèvements pré-TMZ hormis les altérations de BRCA2, moins fréquentes en cas de progression G3 ultérieure (p=0,043). Les échantillons post-TMZ présentaient une grande hétérogénéité moléculaire. Parmi eux, la progression vers un G3 était très hétérogène, mais caractérisée par plus d’altérations des gènes du contrôle du cycle cellulaire (p=0,002) et de la voie des MAP kinases (p=0,034), ainsi que de la voie du TGFb (p=0,064) et du système MMR (p=0,08) de manière non significative. Tous les prélèvements pré-TMZ sauf 2 (dont 1 cas avec mutation de POLE) avaient une TMB < 30 mut/Mb. Huit prélèvements post-TMZ (23%) avait une TMB élevée (>30 mut/Mb) et des altérations plus fréquentes du système MMR (p=0,003, en particulier MLH1, MSH2 et MSH6, tous p<0,01) et de la recombinaison homologue (p=0,073). L’augmentation de la TMB n’était pas associée à la progression G3 ; des zones G1/G2 à TMB élevée coexistaient avec des zones G3 à TMB élevée au sein des pièces opératoires. Le Ki-67 était inversement corrélée à l’infiltration en lymphocytes CD8.

La phylogénie entre prélèvements indiquait une évolution linéaire (altérations spécifiques post-TMZ) ou branchée (mutations spécifiques à chaque prélèvement pré- et post-TMZ) dans la moitié des cas chacun, sans différences de délai, de dose de TMZ, de variation de Ki-67 ou de TMB.

Discussion

Conclusion

Le traitement par TMZ des TNEP s’accompagne d’une progression du grade tumoral dans une proportion importante de cas qu’il convient de confirmer sur une large série. Les mécanismes de progression des TNEP sous TMZ sont très hétérogènes et peu stéréotypés. Environ un quart des prélèvements post-TMZ présentait un phénotype hypermutateur avec des anomalies du système MMR, indépendamment de la progression G3. Ces résultats incitent à rebiopsier plus fréquemment les TNEP des patients traités par TMZ, et laissent envisager des perspectives d’utilisation de l’immunothérapie chez ces patients.

Remerciements

Louis de Mestier a reçu le soutien financier de l’ITMO/AVIESAN, et de la SNFGE (bourse Robert Tournut).