JFHOD

P.385 - Comparaison d'une stratégie de prescription précoce de biothérapie par rapport à une escalade thérapeutique pour prévenir la récidive post-opératoire chez les patients atteints de maladie de Crohn

A. Buisson, L. Blanco, L. Manlay, M. Reymond, M. Dapoigny, O. Rouquette, A. Dubois, B. Pereira

Introduction

Malgré une large utilisation des biothérapies, la chirurgie reste un évènement fréquent pour les patients atteints de maladie de Crohn. Le risque de récidive post-opératoire est important puisque près de 75 % des patients ont de nouveau des lésions endoscopiques dans l'année qui suit la chirurgie en l'absence de traitement.Toutefois, la question de la meilleure stratégie thérapeutique pour prévenir une récidive post-opératoire à court et long termes reste posée.

Patients et Methodes

Il s’agissait d’une étude rétrospective sur une cohorte monocentrique. A partir de bases de données du service de d’anatomo-pathologie, nous avons identifié 160 patients ayant eu une résection intestinale pour maladie de Crohn entre 2014 et 2021 et présentant les critères d’inclusions suivants : (a) un âge ≥18 ans, (b) un diagnostic de maladie de Crohn confirmé avec résection iléale et/ou colique, (c) toutes les lésions macroscopiques retirées, (d) anastomose atteinte par l’iléo-coloscopie (e) suivi d’au moins 6 mois après l’intervention chirurgicale et (f) une évaluation endoscopique à 6 mois après le rétablissement de continuité.

L’approche thérapeutique par escalade thérapeutique ou par biothérapie précoce a été décidée par le médecin prenant en charge le patient. L’approche par escalade thérapeutique (step-up) était définie par une absence de biothérapie entre la chirurgie et la coloscopie des 6 mois. En prévention de la récidive post-opératoire endoscopique, les patients recevaient du 5-ASA, des thiopurines ou aucun traitement. Tous les patients ayant reçu une biothérapie (Anti-TNF ou ustekinumab) dans le mois suivant la chirurgie ont été inclus dans le groupe biothérapie précoce (top-down). Une évaluation endoscopique a été systématiquement effectuée à 6 mois avec intensification thérapeutique si indice de Rutgeerts ≥ i2a (= RPO endoscopique). Une rémission endoscopique complète était définie par l’absence de lésion (Rutgeerts = i0). Une RPO clinique était définie, comme une réapparition des symptômes liés à la MC, nécessitant une modification thérapeutique. La progression de la destruction intestinale était définie comme l’apparition d’une sténose, fistule ou abcès. Les analyses ont été réalisées en utilisant des scores de propension ajustée en fonction du sexe, des antécédents de résection intestinale, du statut tabagique, de la localisation de la MC, du phénotype de la MC, de la longueur de la résection > 30 cm, de l’âge et du nombre de biothérapies avant la chirurgie. Tous les résultats des comparaisons sont donnés après application du score de propension.

Résultats

Au total, 115 patients ont été inclus dont 61 dans le groupe escalade thérapeutique. Une stratégie par biothérapie précoce était associée à un risque plus faible de RPO endoscopique à 6 mois (46,8 % vs 65,9 %, p = 0,042) et un taux plus élevé de rémission endoscopique complète à 6 mois (45,3 % contre 19,3 %, p = 0,004).

Considérant l’ensemble de la population étudiée, nous n’avons observé aucune différence significative entre les deux groupes concernant le risque de récidive post-opératoire clinique (HR = 0,86 [0,44-1,66], p = 0,66) et de progression de la destruction intestinale (HR = 0,81 [0,63-1,06], p = 0,12). En revanche, la RPO endoscopique à 6 mois (Rutgeerts ≥ i2a) était associée à un risque accru de RPO clinique (HR = 1,97 [1,07-3,64], p=0,029) et de progression de la destruction intestinale (HR = 3,33 [1,23-9,02], p = 0,018) par rapport à l’absence de RPO endoscopique à 6 mois. Ainsi, dans le sous-groupe de patients sans RPO endoscopique à 6 mois, le risque de RPO clinique (HR = 0,59 [0,37-0,94] ; p = 0,025) et de progression de la destruction intestinale (HR = 0,73 [0,63-0,83] ; p<0,001) était significativement plus faible dans le groupe biothérapie précoce par rapport à l’escalade thérapeutique. En revanche, présenter une RPO endoscopique à 6 mois malgré une prescription précoce de biothérapie conduisait à une évolution plus péjorative qu’en cas d’escalade thérapeutique en termes de RPO clinique (HR = 1,92 [1,02-3,59] ; p = 0,042) et de progression de la destruction intestinale (HR = 1,58 [1,03-2,42] ; p = 0,035).

Discussion

Les arguments en faveur d’une biothérapie précoce sont: 1) moins de RPO endoscopique à court terme 2) moins de RPO clinique et de progression de la destruction intestinale à long terme dans le sous-groupe sans RPO endoscopique à 6 mois 3) la prescription secondaire d’une biothérapie ne permet pas de rattraper le niveau d’efficacité d’une biothérapie précoce (cf figure) 4) en cas de RPO sous biothérapie précoce, meilleure évolution sous escalade thérapeutique très peu probable.

Conclusion

Une prescription précoce de biothérapie semble une meilleure option qu’une escalade thérapeutique pour prévenir la récidive post-opératoire chez les patients atteints de maladie de Crohn

Remerciements