P.254 - Evaluation d’une stratégie de rappel téléphonique pour la reprise d’un suivi chez les patients porteurs de lésions pré-cancéreuses gastriques perdus de vue : une étude prospective
Introduction
La détection et la surveillance adéquate des lésions précancéreuses gastriques (LPG) devrait permettre de prévenir l’apparition d’un cancer gastrique avancé, dont le pronostic est sombre. Or, certains patients identifiés comme porteurs de LPG sont perdus de vue. L’objectif de cette étude prospective était d’évaluer la faisabilité et l’efficacité d’une stratégie de reprise de la surveillance par un rappel téléphonique des patients perdus de vue, et d’évaluer l’évolution des LPG chez ces patients.
Patients et Methodes
Parmi les patients diagnostiqués avec une LPG [(gastrite atrophique (GA), métaplasie intestinale (MI), dysplasie de bas grade (DBG)]dans notre centre entre janvier 2000 et décembre 2015, nous avons identifié ceux pour lesquels une surveillance endoscopique était indiquée selon les recommandations européennes et qui étaient en rupture de suivi. Les patients de plus de 80 ans et avec comorbidités sévères ont été exclus. Les patients identifiés ont été appelés par téléphone au moins trois fois par un médecin, et invités à reprendre un suivi endoscopique. Chez les patients qui ont accepté l'endoscopie, les biopsies gastriques systématiques ont été obtenues pour l'analyse anatomo-pathologique visant à évaluer la présence et l’extension des LPG selon le protocole de Sydney. Les résultats ont été comparés entre cette endoscopie de surveillance et la dernière endoscopie réalisée avant la rupture de suivi.
Résultats
Parmi les 535 patients avec une LPG, identifiés sur la période d’étude, 134 ont rempli les critères d’inclusion et ont été contactés par téléphone. Soixante-deux n’ont pas pu être joints, 16 ont été suivis dans un autre centre, 8 ne se sont pas présentés au rendez-vous fixé, 8 ont refusé le suivi, et 3 ont eu une fibroscopie oeso-gastroduodénale (FOGD) sans biopsie. Au final, 36 patients (27% de la population candidate) ont été inclus dans l’analyse. La majorité des patients étaient des hommes (61%), d’un âge moyen de 57 ans avant la rupture de suivi et 63 ans lors du rappel. La durée moyenne de rupture de suivi était de 65 mois. A la dernière endoscopie avant le rappel, la répartition des LPG était la suivante : 3 patients avec GA, 27 avec MI, 6 avec DBG. Neuf patients étaient H. pylori-positifs à l’histologie à l'examen initial, et chez tous ces patients la bactérie a été efficacement éradiquée. Lors de la FOGD de suivi, 7 patients (19%) avaient progressé : un d’une GA vers MI, 4 d’une MI limitée à l’antre ou au fundus vers une MI pan-gastrique, un d’une MI vers une DBG, et un d’une MI pan-gastrique vers un cancer gastrique. Ce dernier a été opéré (tumeur classée pT2pN0) et est actuellement en rémission complète. Onze patients (31%) avaient régressé (un d’une AG vers une muqueuse normale, 6 d’une MI vers une muqueuse normale, un d’une MI pan-gastrique vers une MI limitée au fundus, 3 d’une DBG vers une MI) et 18 (50%) avaient des lésions stables.
Discussion
Conclusion
Cette étude prospective est à nos connaissances la première en France visant à étudier les performances d'un appel téléphonique pour « rattraper » les patients en rupture de suivi endoscopique de LPG. Malgré plusieurs tentatives, la reprise du suivi n’a pu être effective que chez un quart des patients contactés ayant une indication de suivi. Parmi les patients qui ont accepté l'endoscopie de surveillance, la majorité avaient des LPG stables ou en régression, mais cette stratégie a permis de diagnostiquer un cancer gastrique asymptomatique, pour lequel un traitement curatif a pu être réalisé. Cette stratégie mérite d’être étudiée à plus grande échelle, et d’être évaluée sur le plan médico-économique. Les méthodes de diagnostic non invasives pourraient permettre d’améliorer l’acceptabilité du suivi de ces patients.
Remerciements
Les auteurs remercient la SNFGE et la société BIOHIT pour leur soutien