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C.094 - Formes sévères de cholangite biliaire primitive : données de mortalité et activité de transplantation hépatique en France

C. Belin, G. Lassailly, A. Louvet, V. Canva, P. Mathurin, S. Dharancy

Introduction

L’histoire naturelle de la cholangite biliaire primitive (CBP) a été modifiée par l’utilisation de l’acide ursodesoxycholique qui a permis d’améliorer le pronostic des malades répondeurs à ce traitement dans la majorité des cas. Cependant le taux de transplantation hépatique (TH) en Europe pour CBP s'est stabilisé autour de 6-8% depuis 10 ans. Il existe peu de données disponibles concernant les formes sévères de CBP conduisant au décès ou à la TH en France. L’objectif de ce travail était de décrire les données de mortalité et d'activité de TH en France dans cette indication. 

Patients et Methodes

Analyse des données du registre de décès de l’INSERM CépiDC entre 2000 et 2016 et des données du registre CRISTAL de l’agence de biomédecine entre 2008 et 2018.

Résultats

Entre 2000 et 2016, 1058 patients étaient déclarés décédés de CBP dont 85% de femmes. Les tranches d’âges les plus représentées étaient la décennies 65-74 ans et 75-84 ans. Douze % des patients décédés avaient une mortalité prématurée, avant 65 ans, et 80% des patients décédaient avant d’atteindre l’espérance de vie moyenne. Entre 2008 et 2018, 342 patients étaient inscrits sur liste de TH en France pour CBP et 261 ont été transplantés. L’âge moyen était de 55 ans, on comptait 88,6% de femmes, le taux de bilirubine moyen était à 188 µmol/L et le score MELD moyen à 26,7. Les caractéristiques des patients transplantés étaient différentes selon l’indication de TH : CBP isolée, CBP compliquée d’un CHC, cause mixte, syndrome de chevauchement et l’indication de retransplantation après TH pour CBP. Le score MELD moyen à l’inscription était plus bas chez les patients transplantés pour CBP avec CHC. En analyse multivariée ajustée sur l’âge les facteurs de risques de sortie de liste étaient la présence d’un CHC, l’indication de retransplantation, l’infection du liquide d’ascite et le score MELD. La survie sans perte du greffon était de 79% [IC95% 74-84] à 1 an et de 69% [IC95% 63-75] à 5 ans. Il n’y avait pas de différence significative de survie selon l’indication de TH. En analyse multivariée ajustée sur l’âge, l’antécédent de thrombose porte et de chirurgie sus méso-colique étaient des facteurs prédictifs de décès ou de perte du greffon. 

Discussion

Chez environ 60% de patients pris en charge précocement et répondeur à l’acide ursodesoxycholique, l’espérance de vie est identique à celle observée en population générale. Ce travail met en évidence que, parmi les décès liée à cette maladie, 12% était prématurés et 80% survenait avant d’atteindre l’espérance de vie à la naissance. La TH pour CBP apparaît actuellement comme stable avec environ une quarantaine de patients transplantés par an en France et 200 en Europe. Les indications sont très hétérogènes allant de la TH pour prurit réfractaire chez un patient compensé sur le plan hépatique à des patients avec cirrhose décompensée ou encore la présence d’un CHC compliquant la CBP qui apparaît comme étant un facteur prédictif de sortie de liste de TH. La survie sans perte de greffon, à 1 et 5 ans, apparaît, comme attendu, plus faible que les données de survie globale estimée à respectivement à 93,2% et 88,5 % par l’agence de biomédecine. 

Conclusion

La CBP a acquis au fil des années au sein de la communauté hepato-gastro-entérologique une ‘réputation’ de maladie plutôt indolente et finalement peu grave. Les taux de mortalité et de taux de TH pour CBP n’infléchissent pas depuis 10 ans et il est possible que les traitements n’aient que ralenti l’histoire naturelle conduisant à des formes sévères de la maladie plus tardives.

Remerciements

Nous remercions les unités chirurgicales et médicales de transplantation qui ont participé au registre national CRISTAL dont sont issues les données de cette étude : Hôpital Henri Mondor, Créteil (Daniel Azoulay, Christophe Duvoux) ; Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris (Olivier Scatton, Filoména Conti) ; Hôpital Paul Brousse, Villejuif (Daniel Cherqui, Didier Samuel) ; Hôpital Beaujon, Clichy (François Durand, Olivier Soubrane) ; Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon (Jean-Yves Mabrut, Jérôme Dumortier) ; Hôpital Nord, Grenoble (Christian Letoublon) ; Hôpital Grenoble Alpes, La Tronche (Vincent Leroy) ; Hôpital Estaing, Clermont-Ferrand (Denis Pezet, Armand Abergel) ; Hôpital de l'Archet, Nice (Antonio Iannelli, Rodolphe Anty) ; Hôpital Saint-Eloi, Montpellier (Francis Navarro, Georges Pageaux) ; Hôpital Hautepierre, Strasbourg (Philippe Bachellier, Camille Besh) ; Hôpital Jean Minjoz, Besançon (Georges Mantion, Vincent Di Martino) ; Hôpital Rangueil, Toulouse (Fabrice Muscari) ; Hôpital Haut Leveque, Pessac (Laurence Chiche, Martine Neau Cransac); Hôpital Pontchaillou, Rennes (Karim Boudjema, Pauline Houssel Debry) ; Hôpital Trousseau Chambray, Chambray les Tours (Ephrem Salame).