Hémorragie digestive
Les hémorragies digestives aiguës hautes proviennent principalement de lésions de l’œsophage, de l’estomac ou du premier segment de l’intestin grêle (duodénum).
Elles constituent 80 % des hémorragies digestives aiguës.
Les hémorragies basses sont plutôt localisées en aval, essentiellement dans le côlon et le rectum.
Quelles sont les causes ?
L’ulcère gastroduodénal hémorragique, cause majeure d’hémorragie
Dans les deux tiers des cas, les hémorragies digestives hautes sont liées à une ulcération de la paroi digestive érodant un vaisseau sanguin (« ulcère gastroduodénal hémorragique »).
La rupture d’une varice de l’œsophage ou de l’estomac dans le cadre d’une maladie chronique du foie, comme une cirrhose, est également une cause fréquente d’hémorragie digestive haute.
Précisément, ces érosions (ulcérations) aiguës de l’estomac et du duodénum peuvent survenir après ingestion de médicaments toxiques pour l’estomac (anti-inflammatoires non stéroïdiens et aspirine à forte dose), en cas d’ulcère lié à l’infection par Helicobacter pylori ou au cours de « stress » divers : brûlures étendues, traumatisme crânien, acte de neurochirurgie, insuffisances respiratoire ou rénale aiguë ou sepsis sévère (syndrome d'infection et d'inflammation systémique et grave de l'organisme).
L’œsophagite par reflux peut provoquer également une hématémèse, tout comme la lacération de la muqueuse du bas œsophage lors d’efforts de vomissements (syndrome de Mallory-Weiss), ou encore, plus rarement, des tumeurs malignes œsogastriques.
Lorsque des hémorragies proviennent des voies biliaires, puis sont éliminées par le tube digestif, on emploie le terme d’« hémobilies ». Celles-ci surviennent suite à un traumatisme hépatique, un carcinome hépatocellulaire, de tumeurs des canaux biliaires ou de l’ampoule de Vater, un abcès, une lithiase biliaire ou un anévrisme des artères hépatique ou cystique (artère de la vésicule biliaire).
Lorsque des hémorragies proviennent des voies pancréatiques puis s’écoulent dans le tube digestif, le terme exact est « wirsungorragies ». Elles sont dues à un faux kyste hémorragique communiquant avec le principal canal du pancréas (canal de Wirsung) ou un anévrisme de l’artère de la rate (artère splénique).
Enfin, des lésions vasculaires peuvent entrainer, elles-aussi, des hématémèses. Il s’agit principalement d’anomalies des vaisseaux (angiodysplasies) ou de lésions des vaisseaux diffus. Les anévrismes de l’aorte ou des artères digestives peuvent se rompre dans le duodénum (hématémèse cataclysmique).
Le taux de mortalité de ces hémorragies varie entre 2 et 10 %, accru par la présence de maladies associées. Mais les hémorragies hautes chez des patients hospitalisés et celles liées à une rupture de varice sont d’une gravité exceptionnelle. Les taux de mortalité oscillent alors entre 15 et 25 %.
Quant aux hémorragies digestives basses, elles sont d’origine colorectale ou anale dans plus de 80 % des cas, à mettre sur le compte d’un polype ou un cancer colorectal, d’un diverticule qui saigne, d’une inflammation du côlon qu’elle soit de nature ischémique, infectieuse, inflammatoire (rectocolite hémorragique ou maladie de Crohn) ou provoquée par une radiothérapie, des hémorroïdes ou des fissures anales.
La mortalité des hémorragies digestives basses varie entre 2 et 8 %, et peut atteindre 25 % chez des personnes déjà hospitalisées.
Les saignements provenant de l’intestin grêle ne constituent que 5 % environ des hémorragies digestives avec, pour causes principales, des angiodysplasies, des tumeurs, un diverticule de Meckel (petit diverticule de l'intestin grêle en forme de doigt de gant) ou des ulcérations favorisées par la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Qui présente un risque ?
Les personnes âgées plus sujettes aux hémorragies digestives
Les hémorragies digestives peuvent être observées à tout âge mais affectent particulièrement les personnes âgées, notamment celles prenant des médicaments anticoagulants, antiagrégants plaquettaires (aspirine) ou des médicaments gastrotoxiques (anti-inflammatoires).
Examens
Hospitalisation impérative dans une unité spécialisée ou de soins intensifs
Le retentissement hémodynamique (écoulement et débit du sang dans l'organisme) est le meilleur moyen d’apprécier une hémorragie, plus que la quantité de liquide sanglant extériorisée elle-même. Pour cela, les médecins prennent des mesures répétées du pouls, de la pression artérielle, recherchent un trouble de conscience initial et des signes généraux (pâleur, sueurs, malaise progressif sans perte de connaissance/lipothymies).
Des prélèvements sanguins sont réalisés en urgence : numération et formule sanguine, détermination du groupe sanguin, RAI (Recherche d’agglutinines irrégulières), bilan d’hémostase (facteurs de coagulation, plaquettes…), ionogramme sanguin (dosage des principaux constituants ioniques du sang, tels le sodium, potassium, calcium, chlore, magnésium et bicarbonates).
L’endoscopie œsogastroduodénale (fibroscopie-/endoscopie digestive haute) doit être réalisée d’emblée dans les hémorragies digestives hautes et pour toutes les hémorragies digestives massives. Elle permet de repérer la cause de l’hémorragie, d’établir un bilan des lésions, d’évaluer le risque que l’hémorragie perdure ou récidive, ainsi que de réaliser au plus vite un geste d’hémostase, pour stopper l’écoulement.
Traitements
L’hémorragie digestive est une urgence absolue
L’hémorragie digestive relève de mesures immédiates d’urgence ou de réanimation (éventuellement une transfusion sanguine) et de traitements pharmacologiques intraveineux.
Ensuite, afin d’arrêter le saignement, une hémostase endoscopique sous anesthésie générale doit être pratiquée dans les 2 à 24 heures. En cas d’échec, un traitement radiologique peut être envisagé par embolisation de l’artère qui saigne.
Lorsque l’hémorragie digestive est massive et que l’endoscopie n’a pas mis en évidence de cause, un angioscanner est indiqué́. Cet examen permet la visualisation des vaisseaux sanguins, habituellement invisibles par radiographie standard. Une fois le saignement localisé, une artériographie à visée thérapeutique permet de d’obstruer (emboliser) le vaisseau lésé. En cas d’échec, seule une intervention chirurgicale pourra permettre de stopper le saignement en suturant l’ulcère responsable.
Dans les autres cas, une coloscopie en urgence doit être réalisée afin de diagnostiquer la cause du saignement, et parfois de la traiter.
Si aucune exploration endoscopique n’a pu mettre en évidence la cause de l’hémorragie, l’intestin grêle peut-être exploré soit par vidéocapsule endoscopique, soit par entéroscanner ou entéro-IRM.
Le traitement médical d’un ulcère gastroduodénal hémorragique repose sur la mise sous médicaments (inhibiteurs de la pompe à protons) associé à un geste d’hémostase endoscopique en cas d’ulcère à haut risque de récidive hémorragique. L’hémostase peut être obtenue par la pose de clips ou au moyen de l’injection de substances à activité hémostatique (adrénaline), d’une électrocoagulation par sonde thermique.
Le traitement d’une rupture de varice de l’œsophage repose sur l’hémostase endoscopique (par ligature) et l’administration de médicaments vaso-actifs (dérivés de la somatostatine, vasopressine). Certaines varices situées dans la partie haute de l’estomac peuvent être « obturées » par l’injection de colle (cyanoacrylate). Ce produit « prend en masse » au contact du sang dans la varice et la bouche.
Le recours à la chirurgie est exceptionnel.
Liens utiles
- Les fondamentaux de la pathologie digestive (source CDU-HGE)
Expert / Relecteur : Pr C. Bureau / Pr J-M. Péron
En collaboration avec l'AFEF, Association Française pour l'Etude du Foie
Rédaction : H. Joubert
Février 2019