JFHOD

P.289 - Histoire naturelle des métastases cérébrales des carcinomes neuroendocrines digestifs : une étude rétrospective nationale

L. Chauffert-Yvart, R. Bourdais, R. Cohen, E. Baudin, P. Niccoli, C. Lepere, R. Coriat, P. Afchain

Introduction

Les carcinomes neuroendocrines (CNE) digestifs sont des tumeurs rares et de mauvais pronostic, qui semble aggravé lorsqu’apparaissent des métastases cérébrales (MC). Les CNE sont biologiquement proches des carcinomes bronchiques à petites cellules (CBPC) pour lesquels un dépistage précoce des MC existe, ainsi qu’un traitement prophylactique par radiothérapie cérébrale. Dans la littérature, peu de données sont disponibles concernant les MC des CNE mais elles semblent moins fréquentes que dans les CBPC. C’est pourquoi en France seule une IRM cérébrale de dépistage est recommandée au moment du diagnostic de CNE. Notre objectif était de décrire l'histoire naturelle des MC chez les patients atteints de CNE digestifs, leur impact pronostique et les modalités de leur prise en charge.

Patients et Methodes

Cette étude rétrospective multicentrique nationale a inclus des patients par le biais de cohortes de groupes de recherche précédemment créées et au cas par cas auprès de médecins spécialistes. Les critères d’inclusion étaient : un diagnostic de CNE digestif peu différencié histologiquement prouvé entre 2000 et 2017 avec, dès le diagnostic ou au cours du suivi, une ou plusieurs métastase(s) cérébrale(s). 

Résultats

Trente-sept patients, issus de 17 centres hospitaliers ont été inclus. Quatre-vingt-quatre pourcents d’entre eux étaient métastatiques d’emblée, dont 22% au niveau cérébral. Les tumeurs primitives étaient localisées pour 35% en colorectal, 30% dans le pancréas, 16% dans l’œsophage et 19% dans les autres organes du tube digestif. La survie globale médiane à partir du diagnostic de CNE était de 21,2 mois (20 mois chez les patients métastatiques d’emblée et lorsqu’il y avait des MC d’emblée, 8 mois).

Le délai médian d'apparition des MC, défini comme la durée entre le diagnostic de CNE et la découverte des MC sur imagerie cérébrale, était de 11,7 mois. La survie médiane à partir du diagnostic de MC était de 3,7 mois. Cette survie était significativement plus élevée avec radiothérapie cérébrale que sans (8,3 versus 1,3 mois, p<0,0001), ainsi que chez les 22 patients traités par chimiothérapie par rapport à ceux qui n’avaient pas reçu ce traitement (7,5 mois versus 2 mois, p=0,0338). Après traitement par radiothérapie cérébrale (stéréotaxique ou encéphale in toto), 46% des patients n’étaient plus symptomatiques au niveau neurologique. Soixante-huit pourcents des décès étaient directement dus à la progression de la maladie au niveau cérébral (soit 19 patients sur les 28 pour lesquels l’information était disponible). La survie médiane à partir du diagnostic de MC était de 16,8mois chez les patients dont les MC avaient été réséquées chirurgicalement versus 3mois sans chirurgie (ce qui n’était pas statistiquement différent).

Discussion

Le pronostic des patients atteints de CNE digestif est considérablement grevé par l’apparition des MC. Celles-ci sont de plus responsables de symptômes invalidants. Dans notre étude, les MC étaient présentes d’emblée au diagnostic dans seulement 22% des cas. Soixante-dix-huit pourcents ont été diagnostiquées sur point d’appel neurologique, quand elles étaient déjà symptomatiques. D’après les données de la littérature, on sait que le nombre de métastases cérébrales est un facteur pronostic important. Cela suggère l’intérêt potentiel d’un suivi systématique des patients par imagerie cérébrale non pas uniquement au diagnostic de CNE, mais aussi tout au long du suivi afin de dépister les MC le plus précocement possible, avant qu’elles ne soient symptomatiques et multiples. De plus, les traitements utilisés (chimiothérapie et radiothérapie) peuvent être efficaces sur la survie et les symptômes neurologiques.

Conclusion

Cette étude rapporte pour la première fois une série de 37 patients présentant des métastases cérébrales de carcinomes neuroendocrines digestifs, qui constitue un groupe relativement important considérant la rareté de cette pathologie. Devant l’impact pronostique des MC et l’efficacité des traitements disponibles (tant sur les symptômes que sur la survie), il semble important de les dépister le plus précocement possible tout au long du suivi par des imageries cérébrales systématiques.

Remerciements