C.055 - Impact du dépistage des néoplasies intra-épithéliales anales sur la survenue de cancer de l’anus chez les patients à haut risque infectés par le VIH
Introduction
S’il s’agit d’un cancer rare, le carcinome épidermoïde du canal anal l’est beaucoup moins chez les personnes infectées par le VIH (risque multiplié par 100) avec une incidence estimée à 1/1000 chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Depuis 2006, le dépistage proctologique est donc recommandé par le Groupe d’Experts sur la Prise en Charge de l’Infection par le VIH en France, en cas d’infection par le VIH : chez les HARSAH, chez les femmes avec antécédents de dysplasie du col et chez les patients avec antécédents de condylomes ano-génitaux.
Les enjeux du dépistage sont essentiellement d’identifier les néoplasies intra-épithéliales anales (AIN) afin de mettre en place un algorithme guidant la stratégie de dépistage et de traitement de ces lésions en espérant diminuer la survenue de cancer invasifs.
Malgré sa recommandation en pratique, l’impact du dépistage annuel des AIN sur l’incidence du cancer de l’anus reste à démontrer chez les patients à haut risque infectés par le VIH.
L’objectif de ce travail était d’étudier l’histoire naturelle des AIN et l’impact de leur dépistage chez les patients à haut risque infectés par le VIH sur la survenue de cancer de l’anus.
Matériels et méthodes
Tous les patients infectés par le VIH suivi dans notre CHU et éligibles au dépistage proctologique, ont été inclus. Les données ont été recueillies pendant la période de mai 2011 à décembre 2020 de manière rétrospective. Le diagnostic d’AIN était confirmé histologiquement. L’histoire naturelle des AIN (unité statistique = la lésion) et l’impact du dépistage annuel (≤ 18 mois entre deux consultations ; unité statistique = le patient)) ont été analysée selon la méthode de Kaplan-Meier. Les résultats sont exprimés en hazard ratio et intervalle de confiance à 95 %. Nous avons évalué le délai médian de récidives des AIN après traitement par électrocoagulation
Résultats
Durant le suivi (1491,6 patients-années), 337 patients ont eu 737 consultations de proctologie. Le nombre moyen de consultation de proctologie était de 2.6 ± 2.1 et l’intervalle médian entre deux visites était de 18,8 mois [12.9-27.2]. Le risque de développer un cancer anal était de 0,38% patients-années [0,16-0,92] en cas d’absence de lésions, 1,2% patients-années [1,68-8,48] en cas de condylomes ou d’AIN1, 2,66% patients- années [3,75-18,90] en cas d’AIN2 et 26,81% patients- années [10,06-71,43] en cas d’AIN3. Le risque de développer un carcinome épidermoïde du canal anal était plus élevé en cas d’AIN2 (HR = 11.9 [2.1-66.9], p = 0.005) ou d’AIN3 (HR = 44.5 [11.2-176.6], p < 0.001) qu’en cas d’absence de dysplasie de haut grade.
Sur les 700 patients infectés par le VIH inclus, seulement 4,6 % (32/700) ont strictement respecté le programme de dépistage. Aucun cancer anal ou AIN n’ont été retrouvés chez les patients ayant strictement suivi le programme de dépistage. Malgré une tendance, nous n’avons pu montrer de diminution statistiquement significative du risque de cancer anal (p =0,51), ou de lésions ≥ AIN3 (p =0,28), ≥ AIN2 (p =0,19) ou ≥ AIN1 (p = 0,10) chez les patients dépistés (Figure 1). En revanche, le taux de condylomes diagnostiqués dans le groupe dépistage était plus important (p<0,001).
Parmi les 336 patients avec au moins une consultation de proctologie, 76 (22,7 %) ont développé des lésions condylomateuses ou des lésions AIN au cours du suivi. Après traitement par électrocoagulation, le taux de récidive était de 15 % à 3 mois, 22 % à 6 mois, 48 % à 12 mois, 68 % à 24 mois et 82 % à 36 mois avec un délai médian de récidive après électrocoagulation de 13,5 mois [7-29].
Discussion
Conclusion
Le risque de développer un carcinome épidermoïde du canal anal est augmenté en cas d’AIN2 ou 3. Malgré une tendance positive, nous n’avons pas pu démontrer que le dépistage proctologique chez les patients à haut risque infectés par le VIH diminuait la probabilité de survenue de cancer de l’anus.
Une étude de cohorte prospective de large effectif reste nécessaire pour répondre à cette question.
Remerciements