JFHOD

P.301 - Infection du liquide d’ascite dans les cancers digestifs : mythe ou réalité ?

A. Riescher-Tuczkiewicz, F. Bert, M. Zappa, A.S. Bourrel, R. Coriat, C. Gallois, J.L. Mainardi, V. Lalande, A. Pellat, J. Robert, J.B. Bachet, P. Hammel, L. de Mestier, V. Rebours, D. Lorenzo

Introduction

L’ascite dans les cancers digestifs est causée par différents mécanismes parfois associés : carcinose péritonéale, hypertension portale, dénutrition. L’épidémiologie de l’infection du liquide d’ascite (ILA) chez les patients qui ont un cancer digestif n’est pas connue et aucun critère d’infection n’a été validé, rendant sa prise en charge très hétérogène d’un centre à un autre.

Les critères d’ILA chez les patients cirrhotiques ont été établis à partir d’études rétrospectives datant des années 80. Elle est définie par un taux de polynucléaires neutrophiles (PNN) dans l’ascite >250/mm3. En pratique courante, le diagnostic et le traitement d’une ILA chez les patients ayant un cancer digestif amènent le praticien à se poser de nombreuses questions et notamment : faut-il faire comme chez les patients cirrhotiques ?

Les objectifs de cette étude sont d’évaluer l’incidence des ILA chez les patients ayant un cancer digestif, de décrire l’épidémiologie de ces infections et d’étudier la valeur des PNN.

Patients et Methodes

Il s’agit d’une étude observationnelle, à déclaration prospective des cas, multicentrique (5 centres hospitalo-universitaires). La participation des services cliniques a été requise pour faire analyser tous les liquides d’ascite des patients ayant un cancer digestif. Les services de bactériologie ont rapporté toutes les ascites prélevées durant la période d’inclusion dans les services cliniques (dont les urgences) pour garantir l’exhaustivité du recueil. Les critères d’inclusion étaient : tous les patients ayant un cancer digestif histologiquement prouvé et ayant eu un ou plusieurs prélèvements d’ascite. Les critères d’exclusion étaient : carcinome hépatocellulaire sur foie cirrhotique. En l’absence de gold standard et par analogie aux critères initiaux d’ILA dans la cirrhose, le diagnostic ILA dans cette étude a été retenu devant l’association de trois critères : présence d’un sepsis et bactériascitie et absence d’autre point d’appel clinique infectieux. 

Les résultats de l’étude descriptive étaient exprimés en moyenne±écart type ou médiane (écart interquartile 25-75 : IQR). Les résultats présentés dans cet abstract sont issus d'une analyse intermédiaire.

Résultats

En raison de l’important volume de données en cours de traitement, les résultats suivants sont issus d’une analyse intermédiaire. La période d’inclusion était d’un an pour chaque centre (novembre 2017 à mars 2019). Les résultats présentés ici s’étendent de novembre 2017 à novembre 2018. Durant cette période, 134 patients ont eu une ou plusieurs ponctions d’ascite (avec un total de 408 ascites ponctionnées). Parmi ces patients, 65 (49%) étaient des hommes, l’âge moyen était de 64,5±10 ans et le score de Charlson moyen de 7,3±3,2. Les patients avaient un cancer du pancréas (N=80 ; 60%), du colon (N=17 ; 13%), de l’estomac (N=10 ; 7%), des voies biliaires (N=13 ; 10%), ou autre (N=14 ; 10%). La durée d’évolution moyenne du cancer jusqu’à la ponction d'ascite était de 21±29 mois . La médiane de PNN dans les 408 ascites était 25/mm3 (IQR : 7-115) et celle des protides était 18g/L (IQR : 12-27).

Quarante-huit ascites (12%) correspondaient aux critères d’ILA. Le taux de protides moyen dans les ascites infectées était de 19±7,8g/l et celui des ascites non infectées était de 21±10,2 (p=0,017). Le taux de PNN moyen dans les ascites infectées était de 1770±2378/mm3 et celui des ascites non infectées était de 208±927 (p<0,001). Parmi les ascites infectées, 22 (46%) présentaient un taux de PNN>250/mm3 contre 19 (7%) des ascites non infectées (p<0,001). Le délai médian entre l’ILA et le décès était de 28 jours (IQR 25-75 : 7-68).

Discussion

Conclusion

L’ILA dans les cancers digestifs a une incidence non négligeable et est associée à une mortalité très élevée à court terme. Le taux de PNN semble être un bon indicateur d’infection mais le seuil de 250 PNN/mm3 aurait une sensibilité insuffisante. Les données complètes de l’étude qui seront disponibles d’ici mars 2020 permettront de définir le meilleur seuil de PNN pour les ILA, d’étudier les facteurs de risque d’ILA et l’efficacité du traitement chez ces patients.

Remerciements