C.062 - Intérêt du NGS comparé à une technique ciblée dans le phénotypage moléculaire des cancers colorectaux : enquête rétrospective multicentrique sur des données de vie réelle
Introduction
L’analyse des tumeurs à visée théranostique par NGS s’est développée ces dernières années. Cependant la modification des modalités de remboursement de ces tests a fortement déstabilisé la prise en charge moléculaire et son homogénéité sur le territoire national, avec comme conséquence, un retour massif de tests ciblés. L’objectif de cette étude est de faire un bilan de l’apport du NGS par rapport à celui des techniques ciblées réalisées sur les seuls gènes recommandés KRAS/NRAS (codon 12,13,59,61,117,146), et BRAF (codon600) dans le cancer colorectal (CCR).
Patients et Methodes
Sur une période de deux ans, 496 analyses NGS ont été réalisées par 3 plateformes reconnues par l’INCA, sur des échantillons FFPE provenant de CCR de stade III et IV (le stade IV étant très largement majoritaire). Chaque plateforme a effectué le séquençage sur des panels NGS différents mais ces 3 panels présentaient un socle commun comportant les gènes KRAS, NRAS, BRAF et 10 autres gènes (AKT1, ALK, CTNNB1, EGFR, ERBB2, KIT, MAP2K1, MET, PDGFRA, PIK3CA) ; certains gènes n’ont été séquencés que sur une ou 2 plateformes (POLE, IDH1/2. FGFR1, FGFR2, FGFR3 ERBB4).
Résultats
Le NGS a permis de détecter une mutation des gènes KRAS, NRAS ou BRAF dans 65% des tumeurs analysés, les techniques ciblées n’auraient détectés que 61% car certaines mutations étaient en dehors des hotspots recherchés. Les mutations les plus fréquemment détectées par NGS étaient : 50.4% KRAS, 16.3% PIK3CA, 8.3% BRAF, 5.8% NRAS, 3.8% CTNNB1, 2.2% ERBB2, 1.4% MAP2K1, 0.6% EGFR, 0.7% KIT. 46.2% des tumeurs présentaient une seule mutation hotspot des gènes KRAS/NRAS/BRAF et 27.4% ne présentaient aucune mutation actionnable (panNégatif NGS). Le NGS apportait donc un avantage par rapport aux techniques ciblées dans 26.4 % des tumeurs analysées. Parmi celles-ci : 6.9% présentaient un seul évènement moléculaire de type variant non hotspot ou une amplification parmi les gènes suivants : AKT1, BRAF, CTNNB1, ERBB2, ERBB4, FGFR2, FGFR3, KIT, KRAS, MAP2K1, PDGFRA, PIK3CA. A noter que 42% des variants du gène CTNNB1, particulièrement les codons 32, 37, 41, 45, étaient associées à un phénotype MSI, ce qui confirme les données récemment publiées (ref1). Enfin, 19.5% des tumeurs présentaient un profil complexe soit au moins 2 mutations (dont 86% co-mutés hotspots KRAS/NRAS/BRAF). Les tumeurs mutées POLE sont dans cette dernière population, ce qui est d’ailleurs un signe d’appel possible à rechercher ces mutations.
Discussion
Identifier les profils complexes pourrait permettre de discriminer une population susceptible de bénéficier d’un suivi clinique plus fréquent/régulier – voire de répondre différemment aux traitements ciblés. En effet, il a été décrit dans une cohorte de CCR, qu’à partir de 2 variants, les altérations d’AKT1 et PTEN ou BRAF, CTNNB1 et NRAS, constituent des facteurs de prédiction indépendants respectivement d’une DFS ou OS plus courte (Ref2). Les 3.7% des cas mutés ou amplifiés sur les gènes POLE, ERBB, FGFR, KIT, KRAS, PDGFRA, IDH1/2 pourraient être discutés en RCP dès le diagnostic initiale (adaptation de la stratégie thérapeutique en cas de POLE ou ampli ERRB2 ou ampli KRAS) ou en cas de progression pour un éventuel traitement en essai clinique ou hors AMM. Enfin, 27.4% des tumeurs NGS négatives pourraient justifier d’une analyse complémentaire de recherche de fusions actionnables, constituant de nouvelles thérapies ciblées dans le CCR.
Conclusion
En conclusion, bien que, dans les cancers colorectaux, les mutations hotspots restent majoritaires, l’analyse par NGS révèle des mutations rares ainsi que des profils co-mutés ou multimutés complexes mais permet également de discriminer les vrai pan-négatif susceptibles de répondre le plus durablement aux thérapies ciblées EGFR. Cette approche apporte une vision globale du profil moléculaire de la tumeur d’un patient au diagnostic initial et peut apporter une information pronostique et théranostique plus complète que les recherches ciblées. L’analyse NGS devrait être favorisée dès le diagnostic et, à minima, à la progression de la maladie des CCR métastatiques pour lesquels il y a un vrai impact sur la prise en charge.
Remerciements