Ischémie mésentérique aiguë

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Ischémie mésentérique aiguë

L’infarctus mésentérique, dont le nom médical est « ischémie mésentérique aiguë », est à l’intestin ce que l’accident vasculaire cérébral est au cerveau et la crise cardiaque au cœur. Il toucherait 10 000 personnes chaque année en France. Cette urgence vitale est encore largement méconnue. L’enjeu est de repérer les signes précoces d’une ischémie réversible, et ainsi de stopper l’évolution vers la nécrose de l’intestin, qui est irréversible et potentiellement fatale.

Si l’infarctus intestinal partage le même mécanisme que l’accident vasculaire cérébral et l’infarctus du myocarde, il est nettement moins connu.

Cet accident vasculaire de l’intestin est dû à une obstruction partielle ou totale par un caillot sanguin des vaisseaux des artères mais aussi des veines (dans 20 % des cas) qui irriguent l’intestin. L’artère mésentérique supérieure est principalement concernée, d’où le nom d’« ischémie mésentérique aiguë ». C’est une urgence vitale car, privé de sang et donc d’oxygène, l’intestin peut se nécroser. Par conséquent, la mortalité liée à l'infarctus digestif survient chez près de huit malades sur dix et les séquelles sont majeures chez les survivants, principalement du fait de l'ablation d'une large portion de l'intestin. C’est d’ailleurs la première cause de résection intestinale étendue chez l’adulte, la faute à une méconnaissance des signes annonciateurs de la maladie. En effet, ces signes sont soit très discrets, soit peu caractéristiques, d’où des diagnostics trop tardifs dans la plupart des cas.

Repérer les signes précoces d’une ischémie réversible peut ainsi éviter l’évolution vers la nécrose intestinale.

Quelles sont les causes ?

Une obstruction des vaisseaux approvisionnant l’intestin en oxygène 

L’ischémie mésentérique aiguë est due à l’interruption de la circulation sanguine (le plus souvent artérielle, mais aussi veineuse) au niveau d’une des artères digestives qui approvisionnent l’intestin en sang et donc en oxygène.

Lorsque qu’une artère est concernée, le phénomène est similaire à celui des accidents vasculaires selon deux mécanismes : soit un caillot (thrombus) migre depuis le cœur et va emboliser les artères digestives (embole), soit une plaque d’athérome (calcifications, plaque de cholestérol dans la lumière de l’artère) va progressivement ralentir le débit sanguin artériel jusqu’à provoquer une thrombose aiguë sur plaque athéromateuse. 

Un troisième mécanisme est encore moins connu. Contrairement aux deux cas de figure précédents, il s’agit de mécanismes dits « non occlusifs » chez les patients hospitalisés en réanimation, souvent en état de choc ou suite à une prise de toxiques ou de médicaments vasoconstricteurs. Faute d’une pression sanguine suffisamment élevée, l’intestin n’est plus correctement vascularisé et le risque de nécrose bien réel.  

Une fois au stade de la nécrose, l’urgence est de retirer tout ou une partie de l’intestin. L’étendue de la nécrose dépend de l’endroit où se trouve l’obstruction. Si l’artère mésentérique est obstruée à son origine, au niveau de l’aorte, le risque est de perdre la totalité de l’intestin grêle, depuis le duodénum jusqu’au côlon. En revanche lorsque l’occlusion est plus distale, le territoire en défaut d’approvisionnement sera limité, avec une résection intestinale de quelques dizaines de centimètres.

Qui présente un risque ?

Un tiers des malades à risque s’ignore

Comme pour les autres types d’infarctus, il faut penser à l’ischémie mésentérique aiguë chez les personnes ayant les facteurs de risques cardiovasculaires habituels (obésité, tabac, diabète, excès de cholestérol, hypertension), des antécédents ou des facteurs de risques cardiaques (maladies des valves cardiaques, arythmie, infarctus du myocarde). 

Néanmoins, chez un tiers des malades, l’infarctus intestinal est le premier événement vasculaire révélateur de la maladie vasculaire sous-jacente, comme une hypertension, une hypercholestérolémie, un diabète ou une arythmie méconnus…

Les examens

L’angioscanner abdominal est la référence pour le diagnostic

Un scanner abdominal (angioscanner abdominal) permet de visualiser l’intégrité des organes mais - c’est primordial - également l’état des vaisseaux.

L’incidence a augmenté ces dernières décennies, du fait de la hausse de l’espérance de vie, mais aussi de « l’épidémie » des facteurs de risques cardiovasculaires. C’est également parce que les soignants y pensent de plus en plus souvent et que les recommandations sont de réaliser un scanner devant une douleur abdominale. De ce fait, le taux de détection augmente de concert. 

Les traitements

De nombreuses vies sauvées

La mortalité est de 100% sans traitement ; elle était historiquement de 70 % environ dans les séries chirurgicales - si l’on prend en compte les malades qui sont traités en général par de la résection intestinale. 

Une prise en charge optimale de l’infarctus mésentérique, comme c’est le cas dans le protocole français SURVI*, suppose une organisation entre médecins urgentistes, hépato-gastroentérologues, radiologues, chirurgiens vasculaires et digestifs et anesthésistes/réanimateurs pour agir vite, et non seulement sauver la vie mais aussi l’intestin des patients.

Une meilleure reconnaissance des signes précoces de l’infarctus digestif par des spécialistes entraînés et vigilants doit permettre une prise en charge plus rapide et qui traite non plus uniquement la conséquence (en réséquant l’intestin) mais la cause, c’est-à-dire l’artère bouchée. Celle-ci est débouchée le plus rapidement possible, soit par chirurgie vasculaire ou en radiologie interventionnelle par voie endovasculaire, soit par traitement médical (aspirine, anticoagulants, antibiotiques oraux, mise au repos digestif), pour essayer de bloquer ou de ralentir le processus, de revasculariser les vaisseaux, au cas par cas.

Le pronostic est redoutable mais une prise en charge précoce et organisée permet d’augmenter considérément la survie (de 35 % à 80 % dans les centres spécialisés). Quant aux survivants, leur intestin est plus souvent préservé, pour maintenir leur qualité de vie : la résection intestinale n’intervient désormais que dans 40 % des cas et, le plus souvent, c’est une longueur minime qui est prélevée. Cela permet d’éviter la nutrition par perfusion (parentérale) ou les poches de recueil des selles (stomies digestives). Les taux de syndrome de grêle court sont de moins de 10% (syndrome à l’origine d’une insuffisance intestinale qui peut être transitoire ou définitive, et dont le traitement de référence est la nutrition parentérale).

Copyright : © SNFGE, Société Nationale Française de Gastro-Entérologie
Expert / Relecteurs : Pr O. Corcos / Pr D. Laharie, Pr C. Silvain
Rédaction : H. Joubert
​Juillet 2019