JFHOD

CO.057 - Les carcinomes épidermoïdes superficiels occidentaux de l’œsophage ne sont pas associés à une infection active de l’HPV

C. Kanaan, D. Lorenzo, M. Barret, S. Leblanc, S. Chaussade, F. Prat, B. Terris

Introduction

Si le rôle de l’infection aux papillomavirus humain (HPV) dans la carcinogenèse et le pronostic du carcinome oropharyngé est bien établi, les facteurs de risque principaux du carcinome épidermoïde de l’œsophage (ESCC) demeurent le tabagisme et l’exposition chronique à l’alcool.  Le rôle de l'infection HPV dans la survenue du carcinome épidermoïde reste débattu. Un lien potentiel a été démontré dans certaines régions du monde présentant une forte incidence de ce cancer (Chine, Asie). La plupart de ces études reposent sur des sérologies HPV ou sur la détection de l’ADN viral par PCR à partir de carcinomes œsophagiens à des stades avancés. Afin de mieux établir un éventuel rôle d’HPV dans la carcinogenèse œsophagienne, nous avons étudié une cohorte de carcinomes superficiels avec 2 techniques in situ qui ont été validés dans le carcinome de l’oropharynx : la surexpression de p16 en immunohistochimie, marqueur indirect d’une infection par HPV, et par l'hybridation in situ chromogénique (CISH) de l'ARN viral de l’HPV qui permet de diagnostiquer une infection active dans les cellules tumorales. Notre étude visait à déterminer la prévalence de l'infection par HPV et les caractéristiques histologiques de ces carcinomes superficiels ainsi que le risque de récidive ou de métastase.

Matériels et méthodes

Cette étude unicentrique et rétrospective a été réalisée à l’hôpital Cochin (Paris, France). Tous les patients présentant un ESCC superficiel, traités par mucosectomie, dissection endoscopique (ESD) ou œsophagectomie, de 2012 à 2018, ont été inclus. Ces résections ont été revues en évaluant les différents critères histopathologiques pronostiques tels que la taille de la tumeur, sa localisation, le grade histologique, la colonisation des glandes, le degré d’inflammation, les emboles vasculaires, le type et la hauteur d’infiltration (m1, m2, m3, sm1 (<200mm), sm2-3 (>200mm). L'expression immunohistochimique de p16 et de p53 a été réalisée ainsi qu’une CISH de l’ARN viral de l’HPV sur des coupes provenant de tissu fixé et inclus en paraffine. A partir de ces caractéristiques, nous avons étudié les corrélations clinico-pathologiques et pronostiques de récidives.

Résultats

Notre étude a porté sur 86 ESCC superficiels (61 hommes, âge moyen de 62,8+9 ans) traités pour 76 d’entre eux par ESD. La taille tumorale moyenne était de 40,62 mm. Les tumeurs se décomposaient en 25 (29%) carcinomes in situ, 21 (24,4%) carcinomes  intra-muqueux et 40 (46,6%) carcinomes sous-muqueux dont 34 présentaient une hauteur d’infiltration supérieure à 200mm. Des emboles, présents dans 12 cas, étaient associés à une infiltration profonde (p= 0,007). Le taux de résection avec une berge d’exérèse en profondeur saine était de 93,5%. Les ESCC P16-positifs représentaient 21% (18/86) de la population étudiée. Ils n’étaient pas corrélés à une infection active par l’HPV car aucun cas s’est révélé positif en analyse CISH pour la détection de l’ARN de ce virus. Il existait en revanche une corrélation de l’expression de p16 avec une intoxication alcoolo-tabagique. Le seul critère histopathologique corrélé à une positivité de p16 était une inflammation lymphoïde marquée (p = 0,039). Après un suivi moyen de 23 mois, 18 (25%) patients présentaient une récidive néoplasique sous forme de métastases (5 cas) ou de récidive locale œsophagienne isolée (13 cas).  La survie globale était de 95,8%, la survie cancer-spécifique de 97%, et la survie sans récidive locale ou métastatique de 75 %. Il existait une corrélation entre des marges positives et une récidive tumorale (p=0,032).

Discussion

Conclusion

Cette étude souligne que contrairement aux cancers oropharyngés, les ESCC ne sont pas associés à une infection active par l’HPV soulignant l’absence de rôle ou un rôle négligeable de ce virus dans la carcinogenèse précoce œsophagienne en occident. Des mécanismes moléculaires non viraux sont donc impliqués dans la surexpression de p16 dans 21% de ces cancers superficiels qui s’accompagnent d’une réaction lymphoïde importante.

Remerciements