C.009 - Profils métabolomiques des patients atteints d’encéphalopathie hépatique au cours de la cirrhose
Introduction
L’encéphalopathie hépatique (EH) complique à la fois l’insuffisance hépatique aiguë et chronique. Sa physiopathologie n’est pas complètement élucidée, mais les mécanismes impliqués comprennent principalement l’hyperammoniémie et l’inflammation systémique. L’EH est particulièrement fréquente chez les patients présentant une décompensation ACLF (Acute-on-Chronic Liver Failure). L'ACLF est considérée comme une entité clinique distincte de la décompensation progressive de la cirrhose en raison de la présence d'une inflammation systémique majeure et d'un taux de mortalité particulièrement élevé. La metabolomique, l'étude de l’ensemble des composants métaboliques des fluides et tissus biologiques, apparaît ainsi intéressante dans l'EH et l’ACLF en raison de la suspicion de perturbations métaboliques dans ces situations. Cette étude avait pour objectif de caractériser les profils métaboliques chez des patients atteints de cirrhose, avec ou sans EH, en fonction de la présence ou non d’ACLF.
Patients et Methodes
Nous avons réalisé une étude de cohorte prospective. Des échantillons de plasma ont été prélevés chez 4 groupes de patients atteints de cirrhose à l’admission en service d’hépatologie. Nous avons comparé ces groupes par régression PLS-DA (Partial Least Squares-Discriminant Analysis) pour retrouver des biomarqueurs métaboliques plasmatiques de l’EH et de l’ACLF. L’analyse du métabolome par spectrométrie de masse a permis de détecter des composés a des concentrations inférieures au nanomolaire. La sensibilité de cette technique est un avantage car elle permet la détection d’un nombre important de composés de manière non ciblée. De plus, elle permet de travailler a partir d’une quantité réduite d’échantillons, de l’ordre de la dizaine de microlitres.
Résultats
Entre le février et avril le 2021, 61 patients ont été inclus dans 4 groupes selon la présence ou non d’une EH et/ou d’une décompensation ACLF : un groupe de patients sans EH et sans ACLF (n=15), un groupe avec EH et sans ACLF (n=16), un groupe de patients sans EH et avec ACLF (n=14), et un groupe de patients avec EH et ACLF (n=16). Les patients étaient majoritairement des hommes (67%), d’âge médian de 63 ans, présentant une insuffisance hépatique (Child-Pugh B ou C) dans 75% des cas. En analyse univariée, une signature de 8 métabolites plasmatiques a été attribuée à l’EH, et ce indépendamment de la présence d’une ACLF : modification des acides aminés, augmentation de la cystine et la methylhistidine et diminution des acides aminés ramifiés ; baisse significative de l’antioxydant acide dihydroxybenzoique. Parallèlement, une signature de 52 métabolites plasmatiques a été attribuée à l’ACLF indépendamment de l’EH : augmentation des acides aminés aromatiques et de la méthionine, accumulation d'acylcarnitines et d’acides gras libres, augmentation des taux d’acide pyruvique et des composés acetyles.
Discussion
Dans l’EH, la diminution des acides aminés ramifiés impliqués dans le cycle de l’urée rendent compte de la perturbation de ce mécanisme de détoxification. Dans l’ACLF, l’accumulation d'acylcarnitines et d’acides gras libres est marqueur de la diminution de la β-oxydation mitochondriale et l’augmentation du taux d’acide pyruvique et des composés acetyles est marqueur d’une altération du cycle de Krebs.
Conclusion
Ces profils d’EH et d’ACLF établis par l’analyse non ciblée du métabolome plasmatique pourraient nous aider à stratifier les patients et permettre d’adapter la stratégie de traitement de ces complications de la cirrhose. La diminution d’un antioxydant, l’acide dihydrobenzoïque, chez les patients atteints d’EH seule, semble constituer un biomarqueur d’identification de la maladie, et pourrait être une stratégie thérapeutique dans la prise en charge de l’EH.
Remerciements