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C.139 - Risque de cancer incident selon le traitement immunomodulateur reçu chez des patients suivis pour une maladie inflammatoire chronique intestinale et ayant un antécédent de cancer extra-digestif : résultats d’une étude de cohorte multicentrique

F. Poullenot, A. Amiot, M. Nachury, S. Viennot, R. Altwegg, Y. Bouhnik, V. Abitbol, S. Nancey, L. Vuitton, L. Peyrin-Biroulet, A. Biron, M. Fumery, L. Picon, M. Vidon, C. Reenaers, M. Serrero, G. Savoye, L. Beaugerie, P. Rivière, D. Laharie

Introduction

Le risque de cancer incident sous védolizumab chez des patients suivis pour une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) ayant un antécédent de cancer reste à ce jour peu connu. L’objectif de cette étude est d’évaluer le taux de récidive tumorale ou d’apparition de nouveau cancer, en fonction du traitement immunomodulateur reçu, chez des patients suivis pour une MICI et ayant un antécédent de cancer extra-digestif.

Patients et Methodes

Tous les patients suivis pour une MICI avec un antécédent de cancer ont été inclus consécutivement et rétrospectivement dans 33 centres de deux pays. L’intégrine alpha4-beta7 ciblée par le védolizumab étant mise en jeu dans l’immuno-surveillance au niveau digestif et biliaire, les patients avec un antécédent de cancer de ces localisations étaient exclus. La date d’inclusion correspondait à la date du diagnostic de cancer (cancer index). La période de suivi était interrompue en cas de cancer incident, elle correspondait sinon à la durée entre la première administration de traitement après le cancer index jusqu’à la dernière visite de suivi. Pour les patients n’ayant pas reçu de traitement, le suivi débuta à la date du diagnostic du cancer index. La survenue d’un cancer incident pendant le suivi était définie comme une récidive tumorale ou la survenue d’un nouveau cancer. Les patients furent classés selon le premier traitement immunomodulateur reçu après le diagnostic du cancer index (aucun, thiopurines, méthotrexate, anti-TNF, védolizumab).

Les taux bruts de cancer incident furent comparés entre les cinq groupes de traitement. Les patients issus des cohortes anti-TNF, védolizumab, et absence de traitement immunomodulateur, furent ajustés en utilisant un score de propension sur l’âge, l’extension ganglionnaire du cancer index, l’extension métastatique du cancer index, et le risque de récidive selon la classification de Penn (évaluant le risque de récidive du cancer index sous immunosuppresseur).

Résultats

Au total, 580 patients ont été inclus. Après exclusion des patients avec un cancer digestif ou biliaire, 538 malades [314 (59 %) femmes ; âge moyen (déviation standard (DS)) au diagnostic du cancer index de 52 (15) ans] ont été analysés. A l’inclusion, la durée moyenne d’évolution de la MICI était de 11 (13) ans, 367 (68 %) malades avaient une maladie de Crohn et 169 (32 %) une RCH. Les cancers les plus fréquemment retrouvés étaient des cancers du sein [133 (25 %)] et des cancers cutanés non mélanocytaires [69 (13 %)].

Après un suivi médian (écart interquartile (IQR)) de 55 (23 – 100) mois, 100 (19 %) cancers incidents ont été observés : 62 (12 %) récidives tumorales et 38 (7 %) nouveaux cancers. Trente-deux (6 %) décès reliés au cancer incident sont à rapporter. Après un intervalle médian (IQR) de 12 (0- 45) mois après le cancer index, 231 (43 %) patients n’ont reçu aucun traitement au cours du suivi (à l’exception de corticoïdes ou de 5-ASA), 112 (21 %) ont reçu un anti-TNF, 79 (15 %) des thiopurines, 64 (12 %) du méthotrexate, 48 (9 %) du védolizumab, et 4 (1 %) de l’ustekinumab. La cohorte ustekinumab fut exclue en raison de son faible effectif.

Les taux bruts de cancer incidents pour 1000 patients-années étaient de 47,0 pour les patients ne recevant pas de traitement immunomodulateur, 33,6 dans la cohorte anti-TNF, 28,7 dans la cohorte thiopurine, 32,5 dans la cohorte méthotrexate, et 33,6 dans la cohorte védolizumab (p = 0,23). Après appariement sur l’âge, l’extension ganglionnaire, l’extension métastatique, et la classification de Penn, les taux ajustés de cancer incident pour 1000 patients-années étaient de 41,4 dans la cohorte anti-TNF, 33,6 dans la cohorte védolizumab, et 40,9 dans la cohorte n’ayant pas reçu de traitement immunomodulateur (p=0.42 pour anti-TNF versus vedolizumab, p=0.45 pour absence de traitement immunomodulateur versus vedolizumab, p>0.9 pour anti-TNF versus absence de traitement immunomodulateur). Les taux de survie sans cancer incident n’étaient pas différents entre la cohorte anti-TNF et la cohorte védolizumab (p = 0,56). En analyse multivariée, un âge ≥ 52 ans à l’inclusion, un suivi après le cancer index < à 55 mois, et le fait de recevoir un traitement immunomodulateur dans un intervalle < à 12 mois suivant le cancer index, étaient associés à une augmentation du risque de cancer incident.

Discussion

Conclusion

Dans cette large cohorte multicentrique de patients suivis pour une MICI, le risque de cancer incident n’était pas plus élevé sous védolizumab que sous anti-TNF chez les patients ayant un antécédent de cancer extra-digestif.

Remerciements