Analyse médico-économique du téduglutide dans le grêle court aux USA : un médicament innovant onéreux qui nécessite une sélection des indications !
Société Savante des Maladies et Cancers de l'Appareil Digestif

Domaine concerné
Thérapeutique

Degré d'innovation
Important

Avancement
Validé

Impact patient

Impact soin
Important

Intérêt

Arrivée dans la pratique
Confirmation

Rédacteur
Professeur Pascal CRENN

Enthousiasme

À la une 08/04/2020

Analyse médico-économique du téduglutide dans le grêle court aux USA : un médicament innovant onéreux qui nécessite une sélection des indications !

Le syndrome de grêle (ou d’intestin) court est une pathologie grevée d’une importante morbidité et est d’une prise en charge difficile pour obtenir la réadaptation intestinale. Le traitement standard en cas d’insuffisance intestinale est la nutrition parentérale (NP) prolongée. 

 

Depuis quelques années, un nouveau traitement (médicament orphelin), le téduglutide (analogue du GLP-2, injectable, un peptide hormonal digestif entérotrophique promouvant l’adaptation et l’absorption intestinale, est disponible pour diminuer la dépendance et éventuellement sevrer de la NP. Cependant son coût actuel est élevé (en moyenne 400 000 $ / an aux USA ; vs pour la NP 150 000 $ / an).

 

L’objectif de cette étude médico-économique américaine était l’analyse coût-efficacité de l'utilisation du téduglutide chez les patients adultes ayant un syndrome de l'intestin court. Un modèle de Markov a évalué les coûts (en dollars US) et l'efficacité (en années de vie ajustées en fonction de la qualité ou QALYs) du traitement par rapport à l'absence d'utilisation de téduglutide. L'effet modélisé était la réduction le nombre de jours de NP par semaine lors de l'utilisation du téduglutide ce qui entraîne une amélioration de la qualité de vie et une diminution des coûts de la NP.

 

Dans le scénario de base, le téduglutide a coûté 950 000 $/QALY gagnés. Dans les analyses de sensibilité seule la réduction du coût d’au moins 65 % du téduglutide a réduit le coût/QALY gagné à moins du seuil usuel de 100 000 $/QALY. Dans 80% des scénarios testés, y compris en tenant compte des infections de la voie veineuse centrale, il n’était pas possible d’atteindre ce seuil.

 

Les auteurs concluent que le téduglutide, utilisé comme traitement à visée de réduction de la dépendance à la NP, ne répond pas, en comparaison à la réadaptation intestinale standard, au seuil habituellement retenu de « rentabilité ». Il existe cependant dans la vraie vie des sous-populations qui bénéficient d’un important bénéfice ce qui montre que la non-utilisation de ce produit innovant serait dommageable. Le téduglutide ne deviendrait globalement économiquement pertinent que si son coût est significativement réduit.

Commentaires
 

Une étude médico-économique est toujours difficile à interpréter, d’autant plus qu’il s’agit ici d’une modélisation sur patients « théoriques » basées sur des hypothèses (ne prenant pas en compte les éventuels effets indésirables du traitement par exemple, ni les traitements chirurgicaux comme la transplantation intestinale), et doit tenir compte du contexte médico-social et du prix qui diffère d’une contrée à l’autre. Ici il s’agit d’une étude américaine dont les résultats ne sont pas directement transposables en France notamment. Elle confirme cependant des données britanniques sur l’aspect coût-efficacité questionnable du traitement par téduglutide.

 

En France ce traitement est contrôlé et en pratique réservé à des centres experts spécialisés en NPAD (nutrition parentérale à domicile). La prescription de téduglutide est hospitalière, avec cependant une dispensation en ville possible, par des médecins compétents en nutrition et aux spécialistes et services d’hépato-gastroentérologie. 

 

Dans son avis de décembre 2014, la Commission de transparence avait donné un avis favorable à l'inscription de téduglutide avec un SMR important et une ASMR III, chez les patients ayant un syndrome du grêle court, en NP depuis plusieurs mois, et pour lesquels les possibilités d’adaptation et d’hyperphagie compensatrice n’ont pas permis d’obtenir le sevrage de la NP https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-14762_REVESTIVE_QD_INS_Avis1_CT14762.pdf.

 

Depuis 2015 en France, le téduglutide est disponible, remboursable à 65 % par la Sécurité sociale chez les adultes, au prix de 17 600 euros par mois. L’utilisation du téduglutide doit donc continuer à être réservé aux praticiens expérimentés qui connaissent les bonnes, et notamment la sélection des sous-populations dans ce syndrome très hétérogène, et mauvaises indications car ceci reste une affaire d’expertise pointue. Le patient doit être informé des bénéfices et des risques. 

 

Par ailleurs cet article ne mentionne pas le cas de l’enfant ayant une insuffisance intestinale par grêle court, une analyse similaire étant néanmoins en cours. Il faut noter de plus que des formes retards d’analogue de GLP-2 seront bientôt disponibles. 

 

Le téduglutide est le seul produit spécifique disponible actuellement, en dehors du traitement de suppléance nutritionnelle réalisée par la NP dans le syndrome de grêle court. Il ne faut donc pas s’en priver en sélectionnant, comme pour tous les médicaments onéreux destinés à des pathologies rares les bonnes indications, au bénéfice des patients qui le reçoive. Ceci est confirmé par une étude multicentrique française récente (Joly F et al. Six-month outcomes of teduglutide treatment in adult patients with short bowel syndrome with chronic intestinal failure: A real-world French observational cohort study. Clin Nutr. 2019 doi: 10.1016/j.clnu.2019.12.019), la justification économique n’étant que l’un des éléments même si l’on peut penser que le prix du produit devrait évoluer à la baisse.

Références
 
Titre :

Analyse médico-économique du téduglutide dans le grêle court aux USA : un médicament innovant onéreux qui nécessite une sélection des indications !

Titre original :

Cost-effectiveness of teduglutide in adult patients with short bowel syndrome: Markov modeling using traditional cost-effectiveness criteria

Auteurs :

Vikram K Raghu, David G Binion and Kenneth J Smith

Source(s) :

Article

Revue :

The American Journal of Clinical Nutrition

Références biblio. :

Am J Clin Nutr. 2020 Jan 1;111(1):141-148. - doi.org/10.1093/ajcn/nqz269

Liens utiles
Abstract de l'article original
   
SNFGE.org