La guérison des fistules anales de la maladie de Crohn par une approche médico-chirurgicale : la messe est-elle dite ?
Société Savante des Maladies et Cancers de l'Appareil Digestif

Domaine concerné
Thérapeutique

Degré d'innovation
Important

Avancement
Validé

Impact patient

Impact soin
Important

Intérêt

Arrivée dans la pratique
Immédiat

Rédacteur
Docteur Vincent DE PARADES

Enthousiasme

À la une 27/09/2022

La guérison des fistules anales de la maladie de Crohn par une approche médico-chirurgicale : la messe est-elle dite ?

Il est difficile de guérir les fistules anales de la maladie de Crohn. Les biothérapies ont été une révolution mais bon nombre de patients restent en situation d’échec. Diverses techniques chirurgicales d’obturation ont été proposées mais leur valeur ajoutée reste discutée.


L'objectif de cet essai contrôlé multicentrique « PISA-II » était de comparer la guérison radiologique obtenue par un traitement anti-TNF durant 4 mois suivi d’une technique d’obturation versus un traitement anti-TNF seul durant 12 mois après retrait du séton. Les patients avaient une fistule haute dans le cadre d’une maladie de Crohn. Ils étaient randomisés s’ils n’avaient aucune préférence, sinon assignés dans l’alternative thérapeutique de leur choix. Le traitement anti-TNF était l’infliximab ou l’adalimumab en combothérapie. La technique d’obturation était un lambeau d’avancement ou une ligature intersphinctérienne du trajet fistuleux. La guérison radiologique était évaluée par IRM à 18 mois et définie par une fibrose complète du trajet fistuleux ou un score MAGNIFI-CD à 0.


Entre 2013 et 2019, 94 patients ont été inclus dont 32 (34 %) randomisés et 62 assignés au traitement de leur choix. In fine, 38 (40 %) patients ont été traités par « anti-TNF + obturation chirurgicale » et 56 par « anti-TNF seul ». Les deux groupes étaient similaires. 
La guérison radiologique était plus fréquente dans le groupe « anti-TNF + obturation chirurgicale » : 12/38 (32 %) versus 5/56 (9 %) (p=0,005). De surcroît, le PDAI était plus faible (p=0,031) et un nombre moindre de patients a nécessité une ré-intervention dans ce même groupe : 5/38 (13 %) versus 24/56 (43 %) (p=0,005). En revanche, la guérison clinique, définie par la fermeture de l'orifice externe sans écoulement visible à la palpation, n'était pas différente entre les deux groupes : 26/38 (68 %) versus 29/56 (52 %) (p=0,076). Durant le suivi des patients en guérison clinique, une récidive est survenue chez 14 % des patients du groupe « anti-TNF + obturation chirurgicale » et 16 % du groupe « anti-TNF seul » mais aucune récidive ne s’est produite en cas de guérison radiologique. Enfin, les événements indésirables ont été similaires dans les deux groupes.

 

Commentaires
 

Cette étude est originale car il s’agit d’un essai contrôlé « randomisé » mais ayant pris en compte la « préférence » des patients. Cette approche pragmatique s’explique par le fait que les auteurs ont tiré la leçon de leur précédent essai contrôlé randomisé « PISA » (Wasmann KA, et al. J Crohns Colitis 2020). Il visait en effet à comparer trois approches thérapeutiques (drainage par séton au long cours versus anti-TNF au long cours versus obturation chirurgicale après un traitement anti-TNF d’induction) mais a été interrompu au motif d’un taux de ré-interventions liées à la fistule plus élevé en cas de séton au long cours. Une des explications était la mauvaise tolérance d’un tel séton dès lors que le patient ne le souhaitait pas. Cet essai décevant a posé le problème plus général de la randomisation lorsqu’il s’agit de comparer un médicament à de la chirurgie. En effet, bon nombre de patients refusent de participer à de tels essais qui perdent alors en pertinence au motif d’une population non représentative. Concilier les avantages de la randomisation et la préférence des patients permet donc d’améliorer le recrutement et d’évaluer l’acceptabilité des traitements. Le principal risque est la sélection de groupes pas exactement comparables. Il faut aussi que la randomisation soit introduite dans le modèle comme covariable d’ajustement.


Cette étude est également passionnante car elle plaide pour l’association d’une technique d’obturation au traitement anti-TNF pour obtenir la guérison radiologique d’une fistule anale de maladie de Crohn. Elle montre également que la récidive est rare lorsque cette guérison radiologique a été obtenue même s’il faut souligner qu’elle n’est obtenue que dans un tiers des cas. Alors, oui, nous pensons que la messe est dite : ces fistules doivent bénéficier d’une prise en charge médico-chirurgicale afin d’en obtenir une guérison profonde et durable.

 

Cependant, de nombreuses questions demeurent concernant les modalités optimales du traitement médical à administrer, la pertinence du drainage préalable par séton, sinon sa durée idéale, le type de technique d’obturation à réaliser... Mais à chaque jour suffit sa peine.

Références
 
Titre :

La guérison des fistules anales de la maladie de Crohn par une approche médico-chirurgicale : la messe est-elle dite ?

Titre original :

Short-term anti-TNF therapy with surgical closure versus anti-TNF therapy in the treatment of perianal fistulas in Crohn's disease (PISA-II): a patient preference randomised trial

Auteurs :

Meima-van Praag EM, van Rijn KL, Wasmann KATGM, Snijder HJ, Stoker J, D'Haens GR, Gecse KB, Gerhards MF, Jansen JM, Dijkgraaf MGW, van der Bilt JDW, Mundt MW, Spinelli A, Danese S, Bemelman WA, Buskens CJ.

Source(s) :

Article

Revue :

The Lancet Gastroenterology & Hepatology

Références biblio. :

Lancet Gastroenterol Hepatol . 2022 Jul;7(7):617-626. doi: 10.1016/S2468-1253(22)00088-7.

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