Il faut souligner en premier lieu les qualités et le sérieux de cette vaste étude populationnelle : 13 millions d’individus suivis, recul moyen de 35 ans (et jusqu’à 58 ans), près de 174 000 cas de CCR. Il s’agit probablement de la base de données la plus importante jamais publiée dans ce domaine !
Cette étude apporte des informations innovantes sur le risque individuel en fonction d’un profil spécifique d’ATCD familiaux prenant en compte le degré de parenté, le nombre de cas et l’âge de survenue du cas index principal, le tout à partir de la plus grande base de données populationnelle constituée à ce jour. On savait que le risque familial de CCR n’était pas univoque ; il varie avec le degré de parenté, l’âge du cas index et le nombre d’ATCD au premier degré (1, 2, 3), sans compter l’interaction de facteurs environnementaux, notamment l’obésité. Les résultats présentés ici sont exprimés de manière originale et très parlante sous la forme d’un âge idéal de primo-dépistage en fonction d’un risque absolu de CCR à 10 ans. Ils conduisent à reconsidérer sur une base plus rationnelle notre conception du dépistage du CCR chez les individus à risque. Ce groupe n’étant pas homogène, les recommandations ne peuvent être univoques et simplistes comme c’est le cas aujourd’hui ; ainsi, en cas de FDR avant 45 ans, le risque individuel justifie une coloscopie dès 34 ans et à 28 ans en cas de FDR multiples quels que soit l’âge ! Les recommandations actuelles laissent sans réponse claire le cas des FDR unique après 65 ans, et celui des SDR (grands-parents, oncles et tantes) alors que le sur-risque existe bel et bien dans les deux situations, certes moindre, mais justifiant toutefois une avance au dépistage.
Ces données sont une avancée considérable dans la meilleure compréhension du risque familial ; elles ouvrent la voie à un dépistage individualisé des sujets à risque avec très probablement un début beaucoup plus précoce pour les individus à risque le plus élevé ; cette stratégie serait de surcroit une réponse efficace à l’augmentation significative d’incidence du CCR observé chez les jeunes.
(1) Johns LE et al. A systematic review and meta-analysis of familial colorectal cancer risk. Am J Gastroenterol 2001; 96 :2992-3003
(2) Butterworth AS et al. Relative and absolute risk for colorectal cancer for individuals with a falily history : a meta-analysis. Eur J Cancer 2006 ;42 :216-27
(3) Taylor DP et al. Population-based family history-specific risks for colorectal cancer : a constellation approach. Gastroenterology 2010 :138 :877-85