Pancréas/Voies biliaires

Société Savante des Maladies et Cancers de l'Appareil Digestif

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Thérapeutique

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Important

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Arrivée dans la pratique
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Rédacteur
Docteur Louis DE MESTIER

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À la une 23/10/2020

Pancréatite biliaire sévère sans angiocholite : pas de CPRE en urgence !

L’objectif de l’étude APEC était d’explorer l’intérêt de la cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) en urgence avec sphinctérotomie endoscopique (SE), en comparaison à un traitement conservateur, chez les patients ayant une pancréatite aiguë biliaire (PAb) prédite comme sévère sans angiocholite associée, pour limiter ainsi la survenue effective de PAb sévère.

 

L’étude APEC était un essai randomisé contrôlé ouvert multicentrique mené dans 26 centres hollandais, entre 2013 et 2017. La population incluse étaient les patients consultant en urgence pour une PAb prédite comme sévère à l’admission (score APACHE-II ≥8, score d’Imrie ≥3 ou CRP >150 mg/L), sans angiocholite et sans antécédent de SE ni de pancréatite chronique. Les patients étaient randomisés dans le bras CPRE + SE en urgence ou dans le bras traitement conservateur, avec une stratification sur la présence d’une cholestase. La CPRE, avec SE systématique, devait être réalisée dans les 24 premières heures suivant l’admission et dans les 72 heures suivant le début des symptômes. 


Le critère principal de jugement composite regroupait la survenue du décès ou de toute complication majeure (défaillance d’organe persistante, nécrose pancréatique, bactériémie, angiocholite, pneumonie, diabète ou insuffisance pancréatique exocrine) dans les 6 mois suivant l’inclusion. Les critères secondaires incluaient la nécessité et la durée de séjour en soins intensifs, la durée d’hospitalisation, la réadmission pour une pathologie biliaire, la qualité de vie et une analyse économique. L’étude prévoyait d’inclure 232 patients en considérant une réduction attendue du critère principal de jugement de 48 % dans le bras conservateur à 30% dans le bras CPRE + SE en urgence.

 

Les 232 patients inclus ont été randomisés dans les bras CPRE + SE en urgence (n=118) ou traitement conservateur (n=114). Les caractéristiques initiales étaient comparables entre les deux groupes. Une cholestase existait initialement chez respectivement 54% et 59% des patients. Le critère principal de jugement est survenu chez 45 patients (38 %) du groupe CPRE et 50 patients (44 %) du groupe conservateur (risque relatif [RR] 0,87 ; IC 95% [0,64-1,18]; p=0,37). Dans le bras CPRE, le critère principal de jugement est survenu chez 22 des 54 patients (41 %) ayant eu une extraction de calculs biliaires pendant la CPRE.

 

Il n’existait pas de différence entre les deux groupes en analysant isolément les composantes du critère principal de jugement, à l’exception d’une proportion plus importante de patients développant secondairement une angiocholite (2 % dans le bras CPRE contre 10% dans le bras conservateur ; RR 0,18 ; IC 95 % [0,04-0,78]; p=0,010). Le taux de décès était similaire (respectivement 7 % et 9 %). Il n’existait pas de différence en termes de qualité de vie ni de coût moyen de prise en charge entre les deux groupes.


Parmi les 118 patients randomisés dans le bras CPRE, 112 patients ont effectivement eu la CPRE, dans un délai médian de 29 heures après le début des symptômes, et 54 patients (48 %) ont eu une extraction de calculs. Dans le bras conservateur, 35 patients (31 %) ont eu une CPRE dans un délai médian de 8 jours après la randomisation, principalement pour angiocholite (n=13) ou cholestase persistante (n=21). Le taux de complication post-CPRE était de 3 % dans les deux groupes. Dans le sous-groupe des 130 patients ayant une cholestase initiale, le critère principal de jugement est survenu chez 32 % des patients du groupe CPRE contre 43 % des patients du groupe conservateur (RR 0,73 ; IC 95 % [0,47-1,16]; p=0,18).

 

Commentaires
 

Cet essai multicentrique mené chez des patients admis pour PAb prédite comme sévère a démontré que la CPRE + SE en urgence systématique ne diminue pas le risque de complications majeures ou de décès, en comparaison à un traitement conservateur. Cela était vrai également dans le sous-groupe des patients avec cholestase initiale. Avec une stratégie conservative et recours à la CPRE + SE uniquement en cas d’angiocholite ou de cholestase persistante, environ deux tiers des patients ne nécessitaient pas de CPRE.

 

L’hypothèse qui sous-tend la pratique d’une CPRE + SE en urgence en cas de PAb est de limiter le temps d’obstruction biliaire et ainsi de limiter la gravité de la PAb en arrêtant le processus de pancréatite. Cette étude infirme cette hypothèse car il n’existait pas de différence d’évolution défavorable entre les 2 groupes, même en ne considérant que le sous-groupe des patients du bras CPRE ayant eu une extraction de calculs lors de la CPRE. Ainsi, une fois lancé l’orage cytokinique, la cascade enzymatique s’autonomise, et l’extraction de calculs (hors angiocholite bien sûr) ne modifie pas l’histoire naturelle de la PAb.

 

Il s’agit d’une belle étude, méthodologiquement solide, ayant inclus un grand nombre de patients homogènes, notamment en ce qui concerne l’origine biliaire de la pancréatite, l’exclusion en cas d’angiocholite initiale (indication formelle de CPRE+SE en urgence) et la prédiction de la sévérité de la PAb, bien que celle-ci ait été surestimée (au final seuls 15% des patients avaient une nécrose pancréatique au scanner). A noter la réussite logistique de l’étude avec la réalisation de la CPRE en moyenne dans les 3 heures suivant la randomisation.


Néanmoins, sa principale limite est l’absence de réalisation de la cholécystectomie systématique au cours de la même hospitalisation, comme cela est pourtant recommandé. En effet, l’étude PONCHO publiée par le même groupe avait démontré que cette stratégie permet de réduire le taux de récidive de complications lithiasiques après PAb, en comparaison à une cholécystectomie retardée (5% vs. 17%). Ainsi, les résultats à long terme de l’étude APEC doivent être considérés avec précaution car en l’absence de cholécystectomie systématique (en particulier dans le bras conservateur), on ne peut pas considérer que les patients aient été traités de façon optimale. En effet, le critère de jugement principal était mesuré dans les 6 mois suivants l’admission, donc englobait les complications éventuellement liées à l’absence de CPRE initiale en urgence, mais également celles liées à l’absence de cholécystectomie systématique. La CPRE seule, si tant est qu’elle soit efficace, ne suffirait donc pas et ne saurait se substituer à la cholécystectomie !

Références
 
Titre :

Pancréatite biliaire sévère sans angiocholite : pas de CPRE en urgence !

Titre original :

Urgent endoscopic retrograde cholangiopancreatography with sphincterotomy versus conservative treatment in predicted severe acute gallstone pancreatitis (APEC): a multicentre randomised controlled trial

Auteurs :

Schepers N, Hallensleben N, Besselink M, Anten MP, Bollen T, da Costa D, et al., van Delft F, van Dijk S, van Dullemen H, Dijkgraaf M, van Eijck C, Erkelens W, Erler N, Fockens P, van Geenen E, van Grinsven J, Hollemans R, van Hooft J, van der Hulst R, Jansen J, Kubben F, Kuiken S, Laheij R, Quispel R, de Ridder R, Rijk M, Römkens T, Ruigrok C, Schoon E, Schwartz M, Smeets X, Spanier M, Tan A, Thijs W, Timmer R, Venneman N, Verdonk R, Vleggaar F, van de Vrie W, Witteman B, van Santvoort H, Bakker O, Bruno M, on behalf of the Dutch Pancreatitis Study Group

Source(s) :

Article

Revue :

The Lancet

Références biblio. :

Lancet 2020;396:167-176 ; https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30539-0

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Rédacteur
Professeur Vinciane REBOURS

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À la une 23/09/2020

Cancer du pancréas et thrombose veineuse : une association fréquente et de mauvais augure. Une cohorte française a mené l’enquête

L’adénocarcinome du pancréas (ADKP) est le cancer qui est associé à la plus haute incidence d’accidents thrombo-emboliques veineux. L’objectif de cette étude était de chercher des facteurs de risque spécifiques dans une population de patients avec ADKP, nouvellement diagnostiqués et de décrire l’évolution et les répercussions sur les survies sans récidive et globale.


Les données étaient issues de la base BACAP (Base Clinico-Biologique de l’Adénocarcinome Pancréatique), base nationale, multicentrique, prospective, observationnelle sur la période de mai 2014 à novembre 2018, intégrant les données de patients avec ADKP (de tout stade) nouvellement diagnostiqué.


731 patients étaient inclus. Sur une période médiane de suivi de 19,3 mois, 152 patients (20,79 %) développaient une thrombose veineuse (TV). Le délai médian entre le diagnostic de cancer et la survenue de la TV était de 4,49 mois. Les taux d’incidence cumulée étaient de 8,07 % ([CI], 6.31–10.29) à 3 mois et de 19,21 % (95 % CI, 16.27-22.62) à 12 mois. En analyse multi-variée, les facteurs de risque de TV étaient la localisation de la tumeur pancréatique (isthme versus tête [HR], 2.06 ; 95 % CI, 1.09–3.91 ; P = 0,027) et le stade (localement avancé versus résécable ou borderline HR, 1.66 ; 95 % CI, 1.10-2.51, P = 0.016 ; métastatique vs résécable ou borderline : HR, 2.50 ; 95 % CI, 1.64-3.79 ; P < 0.001).

Les patients avec TV pendant le suivi avaient une survie plus courte, survie sans récidive (HR, 1.74 ; 95 % CI, 1.19-2.54 ; P = .004) ou globale (HR, 2.02 ; 95 % CI, 1.57-2.60 ; P < 0.001).

 

Commentaires
 

L’adénocarcinome du pancréas (ADKP) est un des cancers les plus « thrombogènes » et de nombreuses séries rétrospectives dans la littérature ont montré des risque de thrombose veineuse (TV) variant de 15 à 20 % au cours de la prise en charge des patients.

 

La force de cette étude est le nombre important de patients inclus, son caractère prospectif et l’objectif relatif à la recherche de facteurs de risque de thrombose. Ainsi les auteurs ont pu analyser un nombre important de marqueurs portant sur les caractéristiques des patients, les données biologiques et radiologiques, ce qui est un véritable plus de cette étude. En analyse univariée, 13 variables étaient associées au risque de TV : le sexe, l’âge, la localisation de la tumeur, le stade, l’antécédent de thrombose, une thrombocytose, une cholestase, une cytolyse, une obésité, une chimiothérapie comme première ligne de traitement et l’usage de facteurs de croissance pour les lignées leucocytaire ou érythrocytaire.


En analyse multivariée, seuls la localisation et le stade étaient associés au risque avec une survie plus basse. On peut souligner que les patients avec TV avaient potentiellement des tumeurs plus agressives, plus étendues. Il serait intéressant d’explorer plus avant chez ses patients les facteurs pro-thrombotiques sériques.


Ce travail repose la question de l’intérêt d’une anticoagulation en prévention primaire chez ces patients. De prime abord, les cliniciens pourraient être réticents en raison du risque hémorragique et de la qualité de vie diminuée par des injections quotidiennes. Des essais cliniques ont déjà étaient menés pour répondre à cette question. Une méta-analyse résume les résultats : le taux brut de TV était de 2,1% dans le groupe de patients traités par héparine de bas poids moléculaire versus 11,2 % chez les témoins (risk ratio, 0.18 ; 95 % CI, 0.083-0.39 ; P < 0.0001). Dans une étude du NEJM, il a été étudié l’intérêt des nouveaux anticoagulants oraux (rivaroxaban-10 mg/j) chez des patients avec cancer. Dans le sous-groupe des ADKP, le critère composite (TV ou décès liés à la TV) était atteint chez 3,7 % du groupe rivaroxaban versus 10,1 % du groupe témoins. 


Cette étude confirme ce que chaque clinicien pouvait supposer. Faut-il maintenant changer nos pratiques notamment pour les patients les plus à risque ? 


Un grand bravo à l’équipe toulousaine, promoteur de cette cohorte nationale !

Références
 
Titre :

Cancer du pancréas et thrombose veineuse : une association fréquente et de mauvais augure. Une cohorte française a mené l’enquête

Titre original :

Incidence of Venous Thromboembolism in Patients With Newly Diagnosed Pancreatic Cancer and Factors Associated With Outcomes

Auteurs :

Corinne Frere, Barbara Bournet, Sophie Gourgou, Julien Fraisse, Cindy Canivet, Jean M. Connors, Louis Buscail, Dominique Farge, and the BACAP Consortium

Source(s) :

Article

Revue :

Gastroenterology

Références biblio. :

Gastroenterology 2020;158:1346–1358

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Futur proche

Rédacteur
Docteur Vincent VALANTIN

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À la une 03/09/2020

Drainage des collections pancréatiques sous échoendoscopie. Pourquoi attendre ?

Le drainage échoendoscopiquement guidé (EUS-D) des collections postopératoires (CP) est généralement retardé jusqu’à ce qu’une paroi épaisse se forme pour optimiser la sécurité du geste. Ainsi, le drainage percutané est le pilier de la gestion des CP. Le but principal de cette étude était de comparer les succès techniques, cliniques et le taux d’évènements indésirables (EI) entre le drainage précoce (0 à 30 jours) et le drainage retardé (> 30 jours) des CP par EUS-D.


Il s’agissait d’une analyse rétrospective de patients ayant subi consécutivement un drainage par EUS-D entre novembre 2013 et novembre 2018 dans un seul centre académique. Les données démographiques, procédurales et les résultats étaient enregistrés. Le succès clinique était défini comme la résolution des symptômes et de la collection sur une imagerie en coupe, sans récidive après retrait de l’endoprothèse transluminale.


Soixante quinze patients avaient un EUS-D; 42 (56 %) étaient précoces, dont 20 dans la phase aigue (<14 jours). Soixante trois patients (84 %) avaient eu une pancréatectomie caudale. Le succès technique était de 100 % et le succès clinique de 93 % (70 patients) après une moyenne de 2.2 procédures (pause et retrait compris (extrêmes de 1-5)). Un drainage percutané était réalisé au préalable chez 13 patients (17,3 %). Les taux de succès étaient identiques entre les drainages aigus, précoces et retardés (95 % et 93 % vs 94 % P= .99, respectivement) comme le taux d’EI (21.4 % et 15 % vs 30.3 % P= .43). La réalisation d’une nécrosectomie était moins fréquente dans le groupe précoce. Aucun facteur prédictif de succès clinique n’était identifié. La réalisation d’un drainage précoce n’augmentait pas le risque d’EI (P= .65). L’infection et la taille de la collection étaient corrélée à un risque accru d’EI (P=.048 et .007, respectivement).


La réalisation d’un EUS-D précoce et même aiguë est techniquement faisable, et cliniquement efficace et sûre. L’EUS-D doit être envisagé en première intention pour la prise en charge des CP symptomatiques précoces.
 

Commentaires
 

Il y a peu d’études comparant le drainage transmural endoscopique des collections nécrotiques ou liquidiennes d’origine pancréatique post-opératoires, au drainage chirurgical systématique ou au drainage percutanée radiologique.


Jusqu’a présent deux dogmes étaient immuables concernant les collections pancréatiques : l’accolement de la collection à la lumière du tube digestif et la maturation de la paroi de la collection (4 semaines !). En effet, le risque théorique d’extravasation du contenu gastro-intestinal dans le péritoine ou le rétro-péritoine semblait trop important et le drainage était alors réalisé par voie percutanée radiologique.


La faiblesse de l’échantillon (75 patients ayant subi un drainage transmural  dont 42 précocement < 30 jours), et le caractère rétrospectif de cette étude ne doivent cependant pas masquer le succès technique (100 %) et le succès clinique (93 %).


L’apparition des prothèses d’apposition luminale a démocratisé et sécurisé la technique de drainage même si dans cette étude il y avait autant de double queue de cochon que de LAMS. De la même manière que l’anastomose cholédocho-bulbaire, l’hépatico-gastrostomie ou le drainage vésiculaire par voie transmurale ont pris le pas sur le drainage radiologique, le drainage précoce des collections pancréatiques post-opératoires par EUS semble être une technique faisable, fiable et efficace à confirmer par une étude prospective le comparant à l’abord percutané radiologique.


Si le dogme des 4 semaines pour obtenir une paroi épaisse semble être mis à mal, celui d’une distance de l’ordre du centimètre entre la paroi digestive et la collection a elle été respectée.

Références
 
Titre :

Drainage des collections pancréatiques sous échoendoscopie. Pourquoi attendre ?

Titre original :

Acute and early EUS-guided transmural drainage of symptomatic postoperative fluid collections

Auteurs :

Andrew C. Storm, MD Michael J. Levy, MD Karan Kaura, MBBS Barham K. Abu Dayyeh, MD, MPH Sean P. Cleary, MD Michael L. Kendrick, MD Mark J. Truty, MD Eric J. Vargas, MD Mark Topazian, MD Vinay Chandrasekhara

Source(s) :

Article

Revue :

Gastrointestinal Endoscopy

Références biblio. :

GIE Volume 91, Issue 5, P1085-1091.E1, May 01, 2020 ; https://doi.org/10.1016/j.gie.2019.11.045

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Article original
   
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Rédacteur
Docteur Louis DE MESTIER

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À la une 13/07/2020

Bénéfice du ciblage des anomalies moléculaires du cancer du pancréas métastatique : un pas vers la médecine de précision

L’objectif de cette étude était d’explorer l’impact sur la survie du ciblage thérapeutique d’anomalies moléculaires tumorales, chez des patients atteints de cancer pancréatique métastatique.

 

Le programme Américain « Know Your Tumor » visait à réaliser, à partir de matériel tumoral paraffiné, une étude centralisée des principales anomalies moléculaires, incluant les voies de réparation de l’ADN comme la recombinaison homologue (BRCA1/2, PALB2, ATM, gènes FANC, etc.), le système MMR ainsi qu’un large panel d’anomalies moléculaires pour lesquelles des thérapies ciblées existent (BRAF, CDK4, HER2, fusions impliquant ROS1, NTRK ou ALK, STK11, CDK4/6, etc…). Après discussion au cas par cas en RCP moléculaire centralisée, des recommandations de traitement ciblé étaient formulées.

 

Sur les 1 856 patients adressés au programme, 1 082 ont pu avoir la recherche moléculaire parmi lesquels 282 (26 %) présentaient au moins une anomalie moléculaire « ciblable ». Les anomalies les plus fréquemment identifiées concernaient la voie de la recombinaison homologue (51 %), la voie PI3K/AKT/mTOR (20 %), des amplifications de CDK4/6 (7 %), la voie BRAF/MEK/ERK (7 %) et le système MMR (3 %).


Au total, 677 patients étaient analysables : 46 avec anomalie(s) moléculaire(s) ciblée(s) par traitement (Groupe Ciblé), 143 avec anomalie(s) moléculaire(s) identifiées mais non ciblée(s) par traitement spécifique (Groupe Non Ciblé) et 488 sans anomalie moléculaire ciblable (Groupe Sans Anomalie). Au moment de l’initiation du traitement, ciblé ou non, 61 % des patients avaient reçu au moins une ligne de traitement pour la maladie métastatique. Les traitements ciblés n’étaient pas standardisés et incluaient entre autres les inhibiteurs de PARP (anomalies de la recombinaison homologue), le crizotinib (fusion ALK), les immunothérapies anti-PD1 +/- antit-CTLA4 (déficience MMR) et l’évérolimus (anomalies voie mTOR).

 

La médiane de survie globale à partir du diagnostic de maladie métastatique était de 2,58 ans dans le Groupe Ciblé contre 1,51 ans dans le Groupe Non Ciblé (p=0,0004) et 1,32 ans dans le Groupe Sans Anomalie (p<0,0001 vs. Groupe Ciblé ; p=0,10 vs. Groupe Non Ciblé). Ces différences de survie globale étaient indépendantes du stade de la maladie au diagnostic initial et du nombre de lignes antérieures (dont les sels de platine). Les différences de survie à partir de la seconde ligne de traitement métastasique étaient superposables dans le sous-groupe des patients prétraités. Les différences de survie étaient également similaires dans les sous-groupes des patients dont la tumeur présentait une anomalie de la voie de la recombinaison homologue, ou de ceux ayant un autre type d’anomalie moléculaire.

 

Dans le sous-groupe des patients prétraités, la médiane de survie sans-progression à partir de la seconde ligne de traitement métastasique était de 10,93 mois dans le Groupe Ciblé contre 4,53 mois dans le Groupe Non Ciblé (p=0,012), et 5,37 mois dans le Groupe Sans Anomalie (p=0,012 vs. Groupe Ciblé).

 

Commentaires
 

Cette étude rapporte un franc bénéfice de survie à chercher et traiter des anomalies tumorales activables dans le cancer du pancréas avancé.

 

Le bénéfice clinique existait en survie globale, en survie sans progression, et dans les sous-groupes de patients prétraités ou non. L’ampleur du bénéfice apparaissait importante. Grâce aux progrès récents faits dans l’identification des anomalies moléculaires des cancers et leur ciblage, jusqu’à 26 % des patients dans cette étude présentaient des anomalies ciblables, ce qui représente le pourcentage le plus élevé dans la littérature du cancer du pancréas à ce jour. Il s’agissait néanmoins d’une étude en monde réel ; les traitements, les délais et les indications n’étaient pas standardisés.


Cette étude est un point de départ encourageant pour la structuration de la recherche thérapeutique sur la médecine de précision guidée par les anomalies moléculaires dans le cancer du pancréas, et apporte déjà un début de justification à une telle démarche au cas par cas dans notre pratique. Néanmoins, la systématisation de cette approche - si elle était confirmée dans des essais de phase III (seraient-ils d’ailleurs bien éthiques ?) - à notre pratique clinique se heurte à plusieurs éléments. D’abord, les analyses ont un coût élevé, une accessibilité encore imparfaite en France (mais avec des progrès majeurs récents grâce au Plan France Génomique), et certains résultats sont d’interprétation difficile. La durée actuelle de ce processus est à mettre en balance avec la gravité et le caractère rapidement progressif du cancer du pancréas. Ensuite, les traitements ciblés posent également des problèmes de coût et d’accessibilité, qui les rendent aujourd’hui difficiles à obtenir en dehors d’essais thérapeutiques. Enfin, faut-il rebiopsier systématiquement les tumeurs ? Autrement dit, les anomalies moléculaires identifiées sur la biopsie initiale sont-elles toujours pertinentes après plusieurs traitements reçus ?


Toutes ces interrogations peuvent se résumer en une : à qui faut-il proposer une recherche d’anomalies ciblables en 2020 ? A tous les patients, dans un monde utopique ? Des critères plus réalistes pourraient inclure les patients jeunes, en bon état général, après progression de la chimiothérapie de première ligne (donc pour un traitement ciblé en troisième ligne), voire au début de la première ligne (donc pour un traitement ciblé en seconde ligne). Les difficultés soulevées par ces questions se traduisent d’ailleurs bien dans cet article du Lancet Oncology, puisqu’au final seulement 2 % des patients testés ont eu accès à un traitement ciblé…

Références
 
Titre :

Bénéfice du ciblage des anomalies moléculaires du cancer du pancréas métastatique : un pas vers la médecine de précision

Titre original :

Overall survival in patients with pancreatic cancer receiving matched therapies following molecular profiling: a retrospective analysis of the Know Your Tumor registry trial

Auteurs :

Michael J Pishvaian, Edik M Blais, Jonathan R Brody, Emily Lyons, Patricia DeArbeloa, Andrew Hendifar, Sam Mikhail, Vincent Chung, Vaibhav Sahai, Davendra P S Sohal, Sara Bellakbira, Dzung Thach, Lola Rahib, Subha Madhavan, Lynn M Matrisian, Emanuel F Petricoin III

Source(s) :

Article

Revue :

The Lancet Oncology

Références biblio. :

Lancet Oncol. 2020 Apr;21(4):508-518.

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Société Savante des Maladies et Cancers de l'Appareil Digestif

Domaine concerné
Thérapeutique

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Avancement
Recherche clinique

Impact patient

Impact soin
Important

Intérêt

Arrivée dans la pratique
Immédiat

Rédacteur
Docteur Eve GELSI

Enthousiasme

À la une 05/11/2019

Enfin une thérapie ciblée efficace dans le cancer du pancréas

Les patients atteints d’un cancer du pancréas métastatique mutés BRCA1 ou 2, constituent un petit sous-groupe parmi les cancers du pancréas. L’olaparib, inhibiteur PARP (poly-ADP-ribose-polymérase) a montré une efficacité dans les cancers de l’ovaire et du poumon, ainsi qu’en  traitement d’entretien (phase 2) dans les cancers du pancréas métastatiques mutés.

 

Il s’agit dans cet article de l’étude POLO, étude randomisée en double aveugle contre placebo de phase 3, qui a pour but d’évaluer l’efficacité de l’olaparib en traitement d’entretien, chez des patients mutés BRCA1 ou 2, dans le cancer du pancréas métastatique, sans progression durant la première ligne de chimiothérapie à base de sels de platine (au moins 16 semaines).

 

Randomisation avec un ratio 3 :1. Le traitement était délivré  en comprimé,  300 mg deux fois par jour, vs placebo. L’objectif principal était la survie sans progression. 3 315 patients ont été sélectionnés, 154 ont finalement été randomisés (92 dans le groupe traité, vs 62 dans le groupe placebo). La médiane de survie sans progression était significativement plus longue dans le groupe olaparib que dans le groupe placebo, 7,4 mois vs 3,8 mois, avec un hazard ratio pour la survie sans progression ou le décès de 0,53 (95 % intervalle de confiance [CI], 0,35 à 0,82; P = 0,004). On ne retrouvait par contre pas de différence en terme de survie globale (18 mois). Deux ans après le début du traitement du cancer, 22,1 % des patients dans le groupe olaparib contre 9,6 % dans le groupe placebo n’avaient pas progressé. On ne retrouvait pas de différence en terme de qualité de vie. Les effets indésirables n’étaient pas plus sévères que ceux retrouvés habituellement dans les chimiothérapies de ce type, et principalement hématologiques.

 

La question posée par ce travail était  : est-ce qu’il y a un intérêt à donner un traitement de maintenance par olaparib, chez les patients mutés BCRA dans le cancer du pancréas métastatique, après stabilité sous traitement de première ligne par platine ?

 

La réponse est oui puisque la survie sans progression était supérieure au placebo sous traitement d’entretien par olaparib.

Commentaires
 

Cette étude est très importante car elle montre l’intérêt d’une stratégie de maintenance dans le cancer du pancréas.

 

En effet l’utilisation des sels de platine en phase d’induction a apporté un réel bénéfice dans ce type de pathologie, mais que faire après un contrôle de la maladie ? Les thérapies ciblées, utilisées en première ligne dans le cancer du pancréas, étaient jusqu’à présent inefficaces. Cette étude est la première à montrer un intérêt des thérapies ciblées en monothérapie, en traitement de maintenance, dans le cancer du pancréas métastatique. Elle soulève tout de même des interrogations, le pourcentage de patients mutés BCRA dans les cancers du pancréas est faible. Doit-on proposer le dépistage génétique systématique ? Comment dépister rapidement les patients pouvant actuellement relever de cette stratégie avec des tests qui ne sont pas faits en routine et encore onéreux ? 

 

Faut-il organiser une filière de dépistage génétique ?

Références
 
Titre :

Enfin une thérapie ciblée efficace dans le cancer du pancréas

Titre original :

Maintenance Olaparib for Germline BRCA-Mutated Metastatic Pancreatic Cancer

Auteurs :

Golan T, Hammel P, Reni M, Van Cutsem E, Macarulla T, Hall MJ, Park JO, Hochhauser D, Arnold D, Oh DY, Reinacher-Schick A, Tortora G, Algül H, O'Reilly EM, McGuinness D, Cui KY, Schlienger K, Locker GY, Kindler HL.

Source(s) :

Article

Revue :

New England Journal of Medicine

Références biblio. :

N Engl J Med. 2019 Jul 25;381(4):317-327. doi: 10.1056/NEJMoa1903387. Epub 2019 Jun 2.

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