Expert / Relecteur
Pr C. Bureau / Pr J-M. Péron
Rédaction
H. Joubert - Dessin : O. Juanati
​Octobre 2020

Le cholangiocarcinome, ou cancer des voies biliaires, est une tumeur rare. Aux alentours de 2 000 personnes sont concernées chaque année en France. On distingue le cholangiocarcinome intra-hépatique, qui se révèle par une tumeur du foie, du cholangiocarcinome extra-hépatique. Ce dernier se manifeste par un rétrécissement de la voie biliaire. Le diagnostic est souvent tardif du fait de manifestations cliniques présentes à un stade avancé de la maladie. Par conséquent son pronostic est sombre, en particulier pour le cholangiocarcinome intra-hépatique.

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Le cholangiocarcinome se développe à partir des cellules de la paroi des voies biliaires (cellules épithéliales appelées cholangiocytes). Les voies biliaires (l’« arbre biliaire ») sont des canaux qui véhiculent la bile dans l’intestin, depuis le foie vers la vésicule biliaire où elle est stockée entre les repas, jusqu’au duodénum.

Les manifestations des tumeurs des voies biliaires et, de ce fait, leur prise en charge, dépendent de leur localisation : elles se rencontrent au sein des voies biliaires intra ou extra-hépatiques (en dehors du foie), au niveau de la voie principale (canal cholédoque et canal hépatique commun) ou des voies biliaires accessoires (canal cystique et vésicule biliaire).

Un type spécifique de cholangiocarcinome extra-hépatique appelé tumeur de Klatskin apparaît à la jonction entre les canaux biliaires hépatiques droit et gauche qui forment ensuite le canal biliaire commun.

Le cas particulier des carcinomes de l’ampoule de Vater (ampullomes vatériens) affecte la partie commune à la terminaison du cholédoque et du canal pancréatique avant qu’il ne se déverse dans le duodénum.

L’incidence du cholangiocarcinome intra-hépatique est en augmentation alors que celle du cholangiocarcinome est stable.

Le cholangiocarcinome est le seul cancer dont la mortalité continue à augmenter dans le monde (dans les deux sexes), notamment dans sa forme intra-hépatique. En France, la mortalité en cas de cholangiocarcinome intra-hépatique a augmenté de 43 % alors que celle due aux formes extra-hépatiques a diminué de 27 %.

Quelles sont les causes ?

Souvent, une maladie chronique du foie sous-jacente

En cas de cholangiocarcinome intra-hépatique, comme pour le carcinome hépatocellulaire, une maladie chronique du foie sous-jacente est présente dans la moitié des cas ; le cholangiocarcinome des voies biliaires principales (hilaire), extra-hépatiques et/ou le cancer de la vésicule peuvent compliquer une maladie chronique des voies biliaires, telles que la cholangite sclérosante primitive.

Toute inflammation chronique des voies biliaires est susceptible de provoquer un cancer.

Qui présente un risque ?

Cirrhose, hépatites, syndrome métabolique, alcool… dans les cholangiocarcinomes intra-hépatiques

La prévalence de cette affection est légèrement plus élevée chez les hommes que chez les femmes (1,3 homme pour une femme) et survient généralement entre 50 et 70 ans.

Toutes les maladies chroniques du foie, dont la cirrhose, sont susceptibles de favoriser le développement d’un cholangiocarcinome intra-hépatique. La cirrhose du foie correspond à la cicatrisation du foie sous forme de fibrose en périphérie d’hépatocytes en amas, appelés nodules de régénération.

Les facteurs de risque plus récemment identifiés des cholangiocarcinomes intra-hépatiques sont semblables à ceux connus pour le carcinome hépatocellulaire : cirrhose, hépatites chronique B et C, obésité, diabète, syndrome métabolique et consommation excessive d’alcool.

Les variations géographiques et ethniques observées dans l’épidémiologie des cholangiocarcinomes intra-hépatiques reflètent des influences génétiques et environnementales.

Certaines altérations génétiques ont été identifiées. Par exemple, des mutations activatrices de KRas sont associées à un phénotype plus agressif. D’autres mutations constituent des cibles thérapeutiques potentielles. Les connaissances progressent, ouvrant la voie à des traitements ciblés.

Les causes de cholangiocarcinomes extra-hépatiques sont très diverses, comme une maladie inflammatoire chronique des voies biliaires (cholangite sclérosante primitive, présence de kystes du cholédoque, etc.), des parasitoses chroniques (Opisthochis viverrini et Clonorchis sinensis) et, dans une moindre mesure, la lithiase biliaire lorsqu’il existe des calculs intra-hépatiques (dans le foie).

Les examens

L’imagerie et l’histologie pour poser le diagnostic

C’est au moyen d’un examen radiologique (échographie, scanner-tomodensitométrie ou imagerie par résonnance magnétique-IRM), que la tumeur peut être repérée ; l’imagerie est en effet essentielle pour déterminer sa localisation et évaluer si elle peut être enlevée au moyen de la chirurgie (tumeur résécable ou non).

L’imagerie permet de visualiser une masse intra-hépatique.

Pour les tumeurs extra-hépatiques, la procédure est similaire à celle utilisée en cas d’ictère, c’est-à-dire une échographie avec dilatation des voies biliaires, complétée par un scanner ou une IRM. La cholangio-pancréatographie à résonance magnétique ou cholangioIRM fournit des renseignements sur l’anatomie biliaire et l’étendue de la tumeur. Elle sert également à caractériser le stade du cancer. Cette technique a été préconisée en remplacement de la cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE), plus invasive.

La biopsie de la tumeur est obligatoire en cas de suspicion de cholangiocarcinome intrahépatique. En cas de suspicion de cholangiocarcinome extra-hépatique, une biopsie peut être faite par voie endoscopique au cours d’une CPRE en plaçant un endoscope dans la voie biliaire principale (cholangioscopie). Une intervention chirurgicale peut toutefois être discutée même en cas de négativité des prélèvements et, dans certains cas, sans nécessiter de biopsie. L’analyse histologique de la pièce réséquée est alors réalisée après le geste opératoire. Les indications chirurgicales se discutent en réunions multidisciplinaires.

Une prise de sang met en évidence une diminution ou un arrêt de la sécrétion biliaire (cholestase), avec ou sans élévation de la bilirubine sanguine. Il n’existe aucun marqueur biologique fiable et spécifique des cancers des voies biliaires. Cependant, le dosage sérique de l’antigène CA19-9 peut faire partie du faisceau d’arguments en faveur du diagnostic de cholangiocarcinome, en l’absence de cholestase sévère. Il est retrouvé à des taux élevés chez 85 % des patients. Les taux d’antigène carcinoembryonnaire (CEA) peuvent s’élever. Les tumeurs extra-hépatiques provoquent l’augmentation du taux de phosphatase alcaline (PAL), de bilirubine conjuguée et de gamma-glutamyl-transpeptidase (GGT), alors qu’une légère augmentation du taux de phosphatase alcaline est observée dans les tumeurs intra-hépatiques.

Les traitements

La résection chirurgicale, l’unique traitement curatif du cholangiocarcinome

Le seul traitement curatif du cholangiocarcinome est la résection chirurgicale. La technique s’adapte à la localisation de la tumeur. Une résection hépatique partielle est parfois nécessaire lorsque la tumeur est localisée dans le foie. La résection d’une partie du pancréas est également possible si la tumeur est localisée dans la partie basse des voies biliaire qui traversent cet organe. 

Seulement 20 à 40 % des patients peuvent bénéficier d’une résection chirurgicale au moment du diagnostic. 

Comme les récidives postchirurgicales sont fréquentes, une chimiothérapie adjuvante peut être proposée après la chirurgie. La survie globale à cinq ans après résection chirurgicale est comprise entre 15 % et 40 % selon les études.

En revanche, lorsque la tumeur n’est pas résécable, ce qui est souvent le cas à cause de l’étendue locale et/ou lorsqu’elle a déjà disséminé dans d’autres organes (présence de métastases), la résection n’est pas envisagée et une chimiothérapie palliative est proposée.

En cas d’ictère, les voies biliaires sont désobstruées afin de permettre à nouveau l’écoulement de la bile. Le drainage biliaire est effectué par insertion d’une endoprothèse métallique dans l’arbre biliaire pour libérer le blocage réalisée par voie endoscopique (au cours d’une CPRE) ou transcutanée trans-hépatique (au travers de la peau directement dans les voies biliaires).

Pour les tumeurs non résécables mais limitées au foie, les traitements locorégionaux (radiofréquence, radiothérapie, chimioembolisation, radioembolisation) restent à valider.

Comme le cholangiocarcinome intra-hépatique est généralement diagnostiqué à un stade avancé, le taux de survie à cinq ans est compris entre 20 et 50 % après résection et presque nul lorsque les tumeurs sont irrésécables. Dans de rares cas, très sélectionnés, une transplantation hépatique peut être discutée pour les cholangiocarcinomes extra-hépatique hilaires (tumeur de klatskin).

Des traitements médicamenteux sont à l’étude pour cibler les cellules tumorales ou pour stimuler le système immunitaire du patient contre les cellules cancéreuses (immunothérapie).
 

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Signes d'alarmes
Une découverte le plus souvent tardive
La découverte d’un cholangiocarcinome peut être fortuite, au décours d’un bilan biologique ou d’examens de dépistage dans le cadre d’une maladie chronique du foie. Néanmoins, il est fréquent que la tumeur soit découverte à un stade évolué. En effet, les symptômes sont peu nombreux, surtout lorsque la localisation est intra-hépatique.
Les cholangiocarcinomes situés au niveau de la voie biliaire principale et des voies biliaires extra-hépatiques sont responsables d’une jaunisse ou ictère car ils compriment les voies biliaires, empêchant l’évacuation de la bile. Le taux sanguin de bilirubine, l’un des constituants de la bile, s’élève. Ce pigment jaune se dépose alors au niveau de la muqueuse des globes oculaires et de la peau. L’ictère s’accompagne souvent de démangeaisons (prurit) généralisées, de selles claires, d’urines foncées.
Quant aux tumeurs des voies biliaires intra-hépatiques, elles se manifestent par des masses hépatiques ou par des symptômes non spécifiques tels qu’une anorexie, une perte de poids, une douleur abdominale ainsi qu’une altération de l’état général avec éventuellement des perturbations isolées du bilan hépatique.
Chiffres
2ème
Le cholangiocarcinome est le 2ème cancer hépatique primitif, derrière le carcinome hépatocellulaire.
2 000
2 000, le nombre de cas de cancers des voies biliaires par an en France

L’incidence des cholangiocarcinomes intra-hépatiques augmente, avec les mêmes facteurs de risque que le carcinome hépatocellulaire qui augmente également (cirrhose, hépatites chroniques B, C). Elle est estimée à 2,1 pour 100 000 habitants dans les pays occidentaux
3 %
La prévalence des cholangiocarcinomes est inconnue mais elle représente environ 3 % des tumeurs gastro-intestinales et 10 à 15 % de toutes les tumeurs malignes hépatobiliaires.
30 %
Les cholangiocarcinomes intra-hépatiques surviennent dans plus de 30 % des cas sur hépatopathie chronique en Occident.
Idées reçues
Les calculs biliaires sont un facteur de risque important de cancer des voies biliaires
Faux
Le risque de cancer dû à des calculs biliaires est très faible : moins de 3 % des patients ayant des calculs biliaires récurrents développeront un cholangiocarcinome. Il n’existe que pour les patients présentant des calculs intra-hépatiques.