Diarrhée chronique
La diarrhée est l'émission de selles trop fréquentes, plus de trois quotidiennes, de consistance très molle à liquide. Elle est qualifiée de prolongée lorsqu’elle évolue depuis deux à quatre semaines et chronique lorsqu’elle perdure depuis plus d’un mois.
Trois diagnostics différentiels sont à écarter : une fausse diarrhée du constipé (alternance de périodes de diarrhée et de constipation, selles à la fois dures et liquides), une incontinence anale ainsi qu’une « poly-exonération ». Celle-ci est liée à une défécation difficile (dyschésie) et/ou à un prolapsus (« descente d’organes ») avec des selles fréquentes mais de consistance tout à fait normale.
Quelles sont les causes ?
Multiples et souvent intriqués, les mécanismes de la diarrhée chronique
Les diarrhées chroniques procèdent de divers mécanismes, parfois imbriqués pour une même pathologie. La diarrhée motrice se caractérise par l’accélération du transit intestinal, notamment colique, avec un caractère souvent impérieux, parfois précédé de coliques. Elle se rencontre dans le syndrome de l’intestin irritable, certains diabètes compliqués de neuropathies, l’hyperthyroïdie (causes hormonales), des maladies neurologiques, des cancers rares (tumeurs carcinoïdes-aux dépends des cellules endocrines de la muqueuse digestive, cancers médullaires de la thyroïde) ou encore certaines intolérances alimentaires.
La maladie cœliaque ou intolérance au gluten est la cause la plus fréquente d’un autre mécanisme de diarrhée chronique : la diarrhée par malabsorption. Les nutriments sont insuffisamment absorbés dans l’intestin grêle. Les selles sont alors plus abondantes. Dans la maladie cœliaque, l’atrophie de la muqueuse intestinale provoque la malabsorption des nutriments et en particulier des graisses, entraînant une quantité anormalement élevée de lipides dans les selles (stéatorrhée). Il existe aussi un phénomène de malabsorption dans la maladie de Crohn de l’intestin grêle.
Lorsque la muqueuse intestinale n’est plus « étanche », on parle de diarrhée par entéropathie exsudative. La muqueuse ulcérée est responsable de la diarrhée, mécanisme retrouvé dans la plupart des entéropathies organiques (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique), avec des fuites de lymphe et de composants du sang (protéines, cholestérol, lymphocytes).
Pour leur part, les diarrhées osmotiques sont dues à la présence dans le tube digestif d’une substance à l’origine d’un appel d’eau dans la lumière intestinale (maldigestion du lactose, chewing-gum au sorbitol-xylitol-maltitol, certains laxatifs, prise de magnésium).
Quant aux diarrhées sécrétoires, souvent très abondantes, elles résultent d’une sécrétion anormale d’eau et d’électrolytes (potassium, bicarbonates) par certaines cellules de la muqueuse de l’intestin grêle (entérocytes). Les colites microscopiques (lymphocytaires et collagènes) représentent une cause fréquente de diarrhées chroniques sécrétoires, qui peuvent aussi être beaucoup plus rarement provoquées par des tumeurs rares. La diarrhée dans la maladie de Crohn et d’autres colites ont également une composante sécrétoire.
Par ailleurs, toute une série de molécules (anti-inflammatoires non stéroïdiens, veinotoniques, lansoprazole- antisécrétoire gastrique, ticlopidine-antiagrégant plaquettaire, sertraline-antidépresseur etc.) peut induire une « colite microscopique chronique » associant une diarrhée à des lésions inflammatoires microscopiques de la muqueuse colorectale. De nombreux autres médicaments sont parfois en cause (metformine et acarbose, orlistat, colchicine, certaines chimiothérapies anticancéreuses).
En particulier, le « syndrome du grêle court » combine un phénomène de malabsorption et un transit accéléré. Les personnes opérées d’une ischémie digestive, d’une maladie de Crohn, d’un cancer, d’une infection ou d’une obstruction intestinale au cours de la mucoviscidose souffrent d’une insuffisance intestinale liée à la résection étendue de l’intestin grêle et, de ce fait, de diarrhée chronique. Le plus souvent, ces personnes sont alimentées par voie veineuse (nutrition parentérale).
Les examens
Endoscopies, biologie, ionogramme ou fécalogramme…
Explorer une diarrhée chronique est parfois une tâche complexe, source d’examens à répétition. Les causes des diarrhées chroniques étant très diverses, les examens exploratoires peuvent être multiples. Néanmoins, tôt ou tard, devant une diarrhée qui dure plusieurs semaines, un examen endoscopique haut (avec biopsies du duodénum à la recherche d’une atrophie des villosités et de la présence de parasites) et une coloscopie s’imposeront pour rechercher des anomalies de la muqueuse intestinale, systématiquement complétées par des biopsies du grêle et du côlon. Ces endoscopies permettent de déceler plusieurs causes de diarrhées chroniques, organiques et sécrétoires. Cas particulier, les colites microscopiques ne modifiant pas l'aspect endoscopique de la muqueuse colorectale, seules des biopsies sont en mesure de mettre en évidence d’éventuelles anomalies.
Un examen par vidéocapsule de l’intestin grêle est parfois informatif, ainsi qu’une inspection morphologique de la paroi intestinale par IRM (entéro-IRM). Les tumeurs coliques sont repérées par coloscopie puis explorées par scanner (tomodensitométrie abdomino-pelvienne).
Les examens de biologie standards sont systématiques, à la recherche d’une anémie (numération formule sanguine) ou d’un syndrome inflammatoire (protéine C-réactive). Certains dosages particuliers peuvent être pertinents comme un ionogramme sanguin (dosage des constituants ioniques du sang-électrolytes : sodium, potassium, calcium, chlore, magnésium, bicarbonates), l’exploration de la fonction rénale ou encore un dosage de la ferritinémie, des vitamines B12 et B9, et de la thyréostimuline (TSH) si l’on soupçonne une hyperthyroïdie.
Un examen parasitologique des selles peut s’avérer judicieux.
Par ailleurs, examiner une fausse diarrhée est délicat. A cette intention, il est parfois nécessaire de peser les selles sur trois jours pour se rendre compte du faible volume évacué. D’autres examens biologiques dépendent du contexte, comme une analyse des selles (fécalogramme) pendant 72 heures.
Dans la diarrhée motrice, la mesure du temps de transit oro-anal s’appuie sur l’ingestion d’un colorant, le carmin, qui colore les selles en rouge. Si des selles rouges sont émises en moins de huit heures, alors le transit est trop rapide.
Quant au diagnostic d’intolérance au lactose, il peut être confirmé si nécessaire au moyen du test respiratoire à l'hydrogène.
Enfin, une maladie cœliaque est prouvée grâce à la présence d’anticorps sériques anti-transglutaminases et le constat sur biopsies d’une atrophie de la muqueuse intestinale.
Les traitements
Autant de traitements que de causes de diarrhées chroniques
Le traitement symptomatique fait appel à celui du mécanisme qui semble prédominer : ralentisseurs du transit (lopéramide et le diphénoxylate) pour les diarrhées motrices, antisécrétoires oraux pour les diarrhées sécrétoires…
Cependant, le meilleur moyen de venir à bout d’une diarrhée chronique est de prendre en charge la pathologie causale. Maladie cœliaque, maladie de Crohn, colites microscopiques... les traitements sont spécifiques.
Liens utiles
- Fiche d’information du patient avant une coloscopie (source SFED, SNFGE et SNFCP)
- Fiche d’information du patient avant une vidéocapsule endoscopique de l'intestin grêle (source SFED et SNFGE)
- APSSII, Association de Patients Souffrant du Syndrome de l'Intestin Irritable
- AFA, Association François Aupetit, association dédiée au soutien aux malades et à la recherche sur les MICI (maladie de Crohn rectocolite hémorragique)
- AFDIAG, Association Française Des Intolérants Au Gluten
Expert / Relecteur : Pr P. Marteau / Dr C. Barrault
Rédaction : H. Joubert - Dessin : O. Juanati
Avril 2018