Hémochromatose
Une surcharge progressive de l'organisme en fer
Une personne sur mille en France souffre d’hémochromatose. Cette maladie génétique est à l’origine d’une accumulation progressive de fer dans l’organisme, du fait d’une absorption trop importante du fer alimentaire. Les symptômes apparaissent généralement vers l’âge de 30 ou 40 ans chez les hommes, et de 50 ou 60 ans chez les femmes.
En règle générale, l'organisme contient 3 à 4 g de fer. Celui-ci se trouve principalement sous forme de complexe, d’une part dans l'hémoglobine (2,5 g) principalement, et, d’autre part, lié à la transferrine pour son transport. Il est ensuite stocké (0 à 1 g) majoritairement sous forme de ferritine essentiellement dans le foie, la moelle osseuse et la rate.
En règle générale, la capacité de fixation du fer par la transferrine correspond à près de trois fois la quantité de fer circulant (dans le sang). On parle alors d’une « saturation de la transferrine » de 33 %. Pour information, un litre de sang contient 500 mg de fer.
Moins de 10 % du fer contenu dans les aliments est absorbé par l’organisme, ce qui représente environ 1 mg/jour et permet de compenser les pertes. L'absorption est effectuée au niveau digestif par les cellules du duodénum (entérocytes).
Les symptômes de l’hémochromatose sont divers. La fatigue générale ou asthénie est fréquente, qu’elle soit physique ou psychique. Les anomalies des ongles sont habituelles (ongles blancs, aplatis, incurvés), comme la dépilation, les cheveux fins et cassants ou une pigmentation excessive de la peau et des muqueuses (peau brune ou mélanodermie). Mais ce sont souvent les problèmes ostéo-articulaires qui révèlent la maladie, avec l’atteinte typique des petites articulations distales de la main, voire du poignet, de la hanche, du genou ou de l’épaule. Cette arthropathie peut être associée à une ostéoporose.
Plus tardivement peut apparaître un diabète. En effet, la surcharge en fer des cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas limite la sécrétion d’insuline. A cette diminution de l’insulino-sécrétion s’ajoute une résistance des tissus à l’insuline.
En rapport avec la surcharge en fer au niveau de l'hypophyse, l’hypogonadisme, c’est-à-dire l’altération des gonades - ovaires et testicules - et donc de la synthèse hormonale, se manifeste par des troubles sexuels comme une impuissance, une diminution de la libido ou une atrophie testiculaire.
Les troubles du rythme cardiaque et l’insuffisance cardiaque sont courants (hypertrophie cardiaque, dysfonction des ventricules cardiaques) avec un essoufflement et une difficulté pour respirer (dyspnée). Le foie augmente lui aussi de volume. Néanmoins, les tests biologiques hépatiques sont rarement perturbés. Il existe un risque de cirrhose et de cancer du foie (carcinome hépatocellulaire), principalement en cas de facteurs favorisants (consommation d’alcool, hépatite C ou syndrome métabolique, etc.)
Quelles sont les causes ?
La mutation C282Y définit l'hémochromatose HFE1
La régulation de l’absorption du fer alimentaire par les cellules intestinales est sous la dépendance d’une hormone fabriquée par le foie, l’hepcidine. Sa sécrétion dépend notamment d’une protéine nommée HFE. Or, cette protéine HFE n’est pas synthétisée lorsque le gène qui permet de la fabriquer est muté. Inexistante, l’hepcidine ne peut donc plus réguler l’absorption du fer (ni la sortie du fer des macrophages/globules blancs), d’où la surcharge progressive de l’organisme.
Pour qu’une hémochromatose apparaisse, il faut que les deux chromosomes soient porteurs d’un gène HFE ayant la mutation C282Y (mutation dite « homozygote »), l’un venant du père, l’autre de la mère. Une personne sur 15 environ en France possède un gène ayant la mutation C282Y (on parle d’hétérozygote). De ce fait, une personne sur 300 en France est porteuse de deux gènes mutés C282Y et est donc à risque de développer une surcharge en fer.
De nombreux facteurs influencent le métabolisme du fer (habitudes alimentaires, particularités individuelles, environnement), d’où une sévérité variable de la maladie selon les individus. Certains homozygotes C282Y n’auront jamais de bilan du fer anormal. Par exemple, seuls 50% des hommes porteurs présentent des anomalies des bilans sanguins (saturation de la transferrine, hausse du taux de ferritine).
L’anomalie du gène HFE est responsable d'environ 90% des cas d'hémochromatose héréditaire (type 1). Mais il existe d’autres formes plus rares d’hémochromatose liées à des mutations génétiques différentes sur des gènes impliqués dans le métabolisme du fer comme celle dite « juvénile » (type 2 A et 2B) ou moins sévères (type 3 et 4).
Qui présente un risque ?
Un dépistage familial
Une augmentation du coefficient de saturation de la transferrine (> 45 %) doit faire rechercher la mutation C282Y ainsi que la présence de signes cliniques, biologiques, d'imagerie ou histologiques typiques d’une hémochromatose.
La recherche de la mutation C282Y peut également être réalisée au sein d'une famille dont une personne est atteinte d’hémochromatose. Le coefficient de saturation de la transferrine et la ferritinémie (taux de ferritine dans le sang) sont alors déterminés chez les proches au premier degré. Dans le cas où ceux-ci sont anormaux, la mutation est recherchée. Cependant, il est aussi possible de demander directement la recherche de la mutation du gène HFE.
A noter : le choix d’informer les apparentés sur ce sujet relève du seul patient atteint de la mutation.
À âge égal, les femmes avant la ménopause ont une surcharge en fer moindre que les hommes. Ceci est dû au cycle menstruel qui réaliste une « saignée » physiologique prévenant la surcharge en fer.
Les examens
Un coefficient de saturation de la transferrine élevé
L'examen de dépistage de la surcharge en fer est le coefficient de saturation de la transferrine, plus élevé que la normale. Un taux inferieur à 45 % permet quasiment d'écarter le diagnostic. Lorsqu’il dépasse 45 %, un second dosage est nécessaire.
La ferritinémie est, quant à elle, proportionnelle au stock martial (en fer) de l'organisme (< 300 microg/L chez l’homme et < 200 microg/L chez la femme pour les valeurs normales). Cependant, d’autres causes que l’hémochromatose peuvent augmenter la ferritinémie, comme des troubles héréditaires du métabolisme du fer et des surcharges acquises, les hépatites, des tumeurs métaboliques et la stéatohépatite non alcoolique (NASH). De plus, une infection, un diabète, la consommation d’alcool... peuvent élever la ferritine.
La présence de la mutation C282Y du gène HFE à l'état homozygote permet de confirmer le diagnostic d'hémochromatose génétique. Cette recherche, réalisée sur un prélèvement de sang, s’inscrit dans le cadre d’un conseil génétique avec consentement écrit du malade.
Comme le coefficient de saturation de la transferrine ne permet pas de quantifier l'importance de la surcharge, la charge hépatique en fer est estimée de façon précise grâce à une imagerie par résonnance magnétique (IRM) du foie.
En fonction de la sévérité des symptômes et de la surcharge en fer, les atteintes des organes nécessitent des examens complémentaires : glycémie à jeun pour le pancréas, transaminases, échographie, ponction-biopsie hépatique, IRM hépatique pour le foie, échographie cardiaque, radiographie et ostéodensitométrie pour les os et articulations.
Les traitements
Les saignées, simples, sûres et efficaces
L'objectif du traitement est d'obtenir un taux de ferritine de l'ordre de 50 microgramme/L. En effet, comme le fer dans l’organisme sert majoritairement à fabriquer des globules rouges, le traitement consiste en un prélèvement de sang régulier (« saignées » ou « soustractions sanguines » ou « phlébotomie »). Ce peut être une saignée « simple » ou par erythraphérèse, technique qui permet de prélever de façon sélective un grand volume d’hématies (globules rouges).
La périodicité de la saignée est généralement hebdomadaire lors d’un traitement d’attaque et dépend de la surcharge de chaque individu. Après un certain nombre de saignées, celle-ci diminue. Lors de la phase d'entretien, les saignées sont espacées progressivement tous les mois puis tous les trois mois, avec pour objectif de maintenir une ferritinémie inférieure ou égale à 50 microgramme/L.
Elles sont réalisées soit en centre hospitalier soit dans les centres de soins de l’Etablissement Français du Sang. Elles peuvent également être effectuées à domicile après réalisation de plusieurs saignées (cinq en moyenne) en milieu hospitalier, sous la supervision d’une infirmière et en respectant plusieurs précautions (gestion des déchets, médecin joignable…).
L’hémochromatose HFE fait l’objet d’une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Chez une personne souffrant d’hémochromatose, un traitement débuté à temps, précocement vers l’âge de 25-35 ans, fait disparaître la plupart des signes cliniques, avec une espérance de vie qui rejoint celle de la population générale. Tant que le stock en fer est maintenu dans la normale, il n’y a aucun risque de dommage des organes par le fer.
Parmi les pistes de recherche : l’élaboration d’un traitement à base d'hormone hepcidine, ou de molécules capables d'en augmenter la synthèse.
Liens utiles
Expert / Relecteur : Pr C. Bureau / Pr J-M. Péron
En collaboration avec l'AFEF, Association Française pour l'Etude du Foie
Rédaction : H. Joubert
Septembre 2019