Expert / Relecteur
Pr V. Rebours / Pr J-M. Péron
Rédaction
H. Joubert - Dessin : O. Juanati
​Janvier 2020

La pancréatite aiguë est l’inflammation aiguë du pancréas. Elle s’installe en quelques heures, voire quelques jours et peut régresser spontanément, dans 80 % des cas. En revanche, la pancréatite sévère - souvent liée à de la nécrose du pancréas ou de la graisse autour du pancréas - met en jeu le pronostic vital. Lorsque l’inflammation persiste, à l’origine de lésions irréversibles du pancréas, on parle de pancréatite chronique.

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Le pancréas est un organe, une glande, qui a deux fonctions principales : une fonction endocrine qui régule le niveau de sucre dans le sang via la synthèse d’hormones (insuline, glucagon et somatostatine…) et une fonction exocrine avec la fabrication d’enzymes essentielles à la digestion des lipides, des protides et des glucides.

Ces enzymes digestives (trypsine, amylase, lipase, chymotrypsine, élastase, exopeptidases, etc.), sont synthétisées et excrétées sous une forme inactivée. Elles ne sont actives qu’une fois parvenues dans le tube digestif et vont « digérer » les différents nutriments. Au cours de la pancréatite aiguë, il existe une activation prématurée et inadaptée des enzymes pancréatiques dans les canaux pancréatiques, au sein même de la glande. Ces enzymes activées attaquent, « digèrent » la glande pancréatique elle-même et provoquent son inflammation. Cette digestion peut soit s’étendre à la graisse située autour du pancréas et former des coulées de nécrose de graisse, soit provoquer de la nécrose de la glande pancréatique (en partie ou totalement) si l’inflammation est importante.

Les enzymes activées ne font pas que léser les tissus, elles génèrent un syndrome inflammatoire global dans l’ensemble de l’organisme via des cytokines pro-inflammatoires, responsable de complications multiples : chute importante de la pression artérielle (hypotension) et un choc témoignant d’une défaillance cardiovasculaire (20 % des cas), ainsi que des lésions d’organes vitaux conduisant parfois au décès. Ainsi, le syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte est une complication grave des pancréatites aiguës nécrosantes. Elle peut nécessiter une ventilation artificielle. Chez un malade sur cinq, on observe une insuffisance rénale.

Une des causes de décès en cas de pancréatite grave est l’infection de la nécrose par des bactéries ou des champignons. Le risque que cette nécrose s’infecte est augmenté du fait d’une barrière intestinale lésée, facilitant le passage des bactéries de la lumière intestinale vers la circulation sanguine. Retrouvées dans 20 à 40 % des cas au cours des pancréatites aiguës nécrosantes, les complications infectieuses sont responsables de 50 à 80 % des décès.  Parmi les autres complications, on peut observer des hémorragies (intrapéritonéales) qui sont une complication grave de la pancréatite aiguë sévère.

Après une pancréatite nécrosante, la nécrose peut s’organiser sous forme de collections (poches résiduelles) qui se composent d’une accumulation d’enzymes, de liquide et de débris tissulaires, à l’intérieur ou autour du pancréas. On les appelle les collections nécrotiques organisées. Si ces collections ne sont faites que de liquide pancréatique sans débris de nécrose, on les appelle les pseudokystes pancréatiques. Selon leur localisation, ils peuvent être compressifs sur les organes adjacents. Ils régressent spontanément, en majorité. Un drainage doit être envisagé s’ils sont à l’origine de complications.

En cas de nécrose sévère et étendue de la glande pancréatique, les fonctions du pancréas peuvent s’altérer, conduisant à une insuffisance pancréatique exocrine et/ou endocrine. La première se traduit par une stéatorrhée (diarrhée graisseuse secondaire à la maldigestion des graisses) et, la seconde, par un diabète.

Quelles sont les causes ?

Calculs biliaires et alcoolisme chronique, deux causes principales de la pancréatite aiguë

Dans près de 70 % des cas, les calculs biliaires et l’alcoolisme chronique sont impliqués dans la survenue d’une pancréatite aiguë.

Les calculs biliaires (lithiases) sont responsables de 40 % des pancréatites aiguës. Il s’agit de calculs dans la vésicule qui migrent dans la voie biliaire principale (entre la vésicule biliaire et le pancréas) ou canal cholédoque.  Lors de cette migration, le calcul passe par l’ampoule de Vater puis le sphincter d’Oddi qui est le carrefour où se retrouvent la voie biliaire principale et le canal pancréatique principal. Le calcul peut donc au cours de sa migration obstruer le canal pancréatique principal et provoquer une pancréatite aiguë. En effet, le liquide pancréatique qui contient des enzymes digestives ne s’écoule plus, ce qui provoque l’inflammation des cellules pancréatiques et leur « autodigestion ».

La forte consommation d’alcool, dans un contexte d’alcoolisation chronique, est impliquée dans 30 % des pancréatites aiguës. Plus les quantités d’alcool absorbés sont importantes sur une longue période (au-delà de 10 ans), plus le risque est élevé, c’est à dire à partir de 100 à 150 g d’alcool pur par jour chez l’homme (> 10 verres de vin par jours) et une quantité moindre chez la femme. L’alcool a une toxicité directe sur les cellules pancréatiques qui fabriquent les enzymes pancréatiques (cellules acinaires). Il favorise l’activation des enzymes pancréatiques directement au sein des cellules. Cela génère de l’inflammation chronique qui, au-delà d’un certain seuil, provoque une poussée aiguë et une inflammation majeure.

La troisième cause importante de pancréatite (10 %) est une tumeur du pancréas : cancéreuse ou bénigne, kystique ou non. Ainsi 10 % des cancers du pancréas (adénocarcinomes pancréatiques) se révèlent par une pancréatite aiguë.

Parmi les autres facteurs de risque de pancréatite aiguë figurent des maladies qui provoquent des taux élevés de calcium dans le sang, des hypertriglycéridémies sévères au delà de 10 g/L, des anomalies génétiques, ou ayant une origine auto-immune.

Beaucoup plus rarement, certains médicaments peuvent provoquer des pancréatites souvent bénignes (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine en cardiologie, immunosuppresseurs azathioprine et 6-mercaptopurine, diurétique furosémide, antidiabétiques sulfamides, antiépileptique valproate de sodium, etc.).

Une origine infectieuse est possible, par de parasites (dans les pays asiatiques) ou de virus (oreillons, essentiellement chez l’enfant). La cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) peut également se compliquer de pancréatite aiguë (risque inférieur à 5 %).

Les examens

Le scanner du pancréas confirme l’inflammation pancréatique

Les examens d’imagerie permettent de préciser la gravité de la pancréatite, même s’ils peuvent être normaux dans les formes bénignes.

La tomodensitométrie (TDM ou scanner) est l’examen de référence. Elle devrait être effectuée au moins 48 heures après le début de douleurs, un examen trop précoce pouvant sous-évaluer la gravité de la pancréatite.

Une fois la pancréatite aiguë identifiée, la TDM identifie les complications potentielles, comme une nécrose du pancréas, ou des collections nécrotiques.

Une échographie permet de repérer d’éventuels calculs biliaires, dans la vésicule ou le cholédoque.

Les traitements

Un traitement essentiellement symptomatique

Lorsque la pancréatite est bénigne, le pronostic du patient est favorable (<5 % de mortalité), l'inflammation étant limitée au pancréas.

Tous les patients ayant une pancréatite aiguë doivent être hospitalisés. Des antalgiques, en particulier de fortes posologies d'opiacés par voie parentérale, et des antiémétiques (contre les nausées et vomissements) sont prescrits. Le pancréas est mis au repos grâce à un jeûne tant que les douleurs persistent et empêchent une reprise de l’alimentation.

Lorsque la pancréatite est sévère, l’hospitalisation a lieu dans une unité de soins intensifs car le risque de décès dépasse 30 %. Les causes de décès sont soit une défaillance des organes (reins, cœur, poumons) au cours de la première semaine, soit sont secondaire à une infection, une hémorragie au-delà de la première semaine de prise en charge.

Une perfusion permettant une hydratation et un équilibre hydro-électrique est mise en place dès la prise en charge comportant du sérum salé et glucosé.
Après 48 heures sans douleur, et si le transit a repris, l’alimentation orale est de nouveau autorisée.

Dans les pancréatites sévères, une alimentation par sonde est instaurée afin de délivrer les nutriments directement dans l’intestin grêle (nutrition entérale).

Lorsqu’un calcul biliaire est responsable de la pancréatite, et qu’il ne s’évacue pas spontanément, celui-ci est retiré par endoscopie (cholangiopancréatographie rétrograde pancréatique) (lien sur la fiche) et la vésicule biliaire doit être retirée une fois l’inflammation contrôlée.

En cas d’infection de nécrose, celle-ci doit être drainée par la pose de drains ou prothèses par voie endoscopique ou radiologique. Ces drains sont laissés en place plusieurs semaines en moyenne. Dans des cas extrêmes, très rares, on peut recourir à un drainage chirurgical.

Une antibiothérapie est associée au drainage.

En cas de pancréatite aiguë due à l’alcool, une prévention du syndrome de sevrage chez des patients alcoolo-dépendant doit être anticipée.

Liens utiles
Signes d'alarmes
Une douleur abdominale épigastrique, intense et lancinante
Une douleur intense, insupportable et permanente, dans la partie haute de l’abdomen (région épigastrique lien sur le dessin) est le symptôme prédominant. Elle irradie dans le dos dans 90 % des cas et souvent vers l’hypochondre gauche. Elle s’accompagne de nausées, et de vomissements (70-90 % des cas). La position en « chien de fusil » soulage partiellement les malades.
Cette douleur intense survient brutalement, en quelques minutes ou heures. Dans les pancréatites graves, des signes de choc peuvent être vus signant une urgence vitale et nécessitant une admission en réanimation : tachycardie, hypotension, respiration saccadée et superficielle. La température corporelle peut augmenter jusqu’à 38,5°C (80 % des cas), en cas de pancréatite nécrosante.
Une infection doit être suspectée lorsqu’une fièvre s’installe et que l’état du malade s’aggrave, alors même que les symptômes initiaux de la pancréatite ont commencé à disparaître.
Des signes neuropsychiatriques (troubles confusionnels et désorientation temporo-spatiale) ou une altération de la conscience sont moins fréquents (20 % des cas). 
A la palpation, l’abdomen est sensible et les muscles de la paroi abdominale sont durs.
Une prise de sang confirme le plus souvent un syndrome inflammatoire associant un taux de protéine C-réactive (CRP) augmenté ainsi qu'une hyperleucocytose (globules blancs en excès). Le taux de l’enzyme pancréatique (lipase) s’élève anormalement dans le sang dans les premiers jours de la maladie pour revenir ensuite à la normale. Un syndrome douloureux abdominal aigu, intense, couplé à une élévation de la lipasémie (supérieure à trois fois la normale dans les premières 48 heures) signe le diagnostic de pancréatite aiguë. 
La pancréatite aiguë peut être non grave, grave d’emblée ou s’aggraver plusieurs jours ou semaines après les premiers symptômes.
Chiffres
30/100 000
L’incidence de la pancréatite aiguë est de 30/100 000 personnes chez l’homme, 20/100 000 chez la femme.
5 %
Le taux de mortalité globale de la pancréatite aiguë est de 5 %.
75 %
Les complications respiratoires sont présentes à des degrés divers dans 75 % des cas de pancréatite aiguë grave.
Idées reçues
Une pancréatite aiguë peut se résorber spontanément
Vrai
Cependant, les risques à long terme après une pancréatite aiguë comprennent les risques de récidive et celui de chronicisation. Tout dépend de la sévérité et de l’étendue de la nécrose pancréatique lors de l'épisode initial de pancréatite aiguë, ainsi que l'étiologie, c’est-à-dire la cause de la pancréatite aiguë. La consommation excessive d'alcool à long terme et de cigarettes augmente le risque de développer une pancréatite chronique.
On trouve toujours la cause d’une pancréatite aiguë
Faux
Dans 5 à 10 % des pancréatites aiguës, aucune cause n’est trouvée. Ces pancréatites aiguës idiopathiques sont dites « non alcooliques, non biliaires » ou « non A non B ».