Expert / Relecteur
Pr J. Boursier / Pr J-M. Péron
Rédaction
H. Joubert
​Novembre 2020

La stéatose hépatique non alcoolique, qui se caractérise par l’accumulation de graisse dans les cellules hépatiques, touche un quart de la population française. Dans 20 % des cas, cette stéatose génère une inflammation hépatique qui peut être à l’origine de cirrhose et de cancer du foie. En France, selon les données de la cohorte CONSTANCE (2020), la prévalence de la stéatose hépatique est de 18,2 %. Environ 220 000 personnes auraient une fibrose avancée pré-cirrhotique ou une cirrhose. Des projections estiment que ce nombre va plus que doubler d’ici à 2030, et que les complications de cirrhose ainsi que les carcinomes hépatocellulaires liés à la stéatose hépatique non alcoolique vont tripler à cet horizon. Les personnes diabétiques, en surpoids ou souffrant d’affections liées au syndrome métabolique sont particulièrement à risque.

Contenu de la page

L’accumulation de graisse dans le foie (stéatose) est classiquement favorisée par une consommation excessive d’alcool. La stéatose hépatique non alcoolique ou NAFLD (pour « Non Alcoholic Fatty Liver Disease ») est le terme générique pour désigner l’accumulation excessive de graisse dans le foie non liée à la consommation excessive de boissons alcoolisées.

Aujourd’hui, la stéatose hépatique non alcoolique touche environ 20 % de la population générale. La stéatose est le plus souvent isolée (dans environ 80 % des cas). Il s’agit alors d’une situation bénigne avec un très faible risque de complications. Chez les 20 % restants, la stéatose est responsable d’une souffrance des cellules du foie (ballonisation des hépatocytes) et d’une inflammation du parenchyme hépatique : c’est la stéatohépatite ou NASH (pour « Non-Alcoholic SteatoHepatitis »).

La stéatohépatite représente la forme agressive de la maladie car elle favorise l’accumulation de fibrose hépatique dans le foie. Celle-ci est graduée en cinq stades (0 à 4), le stade 4 correspondant à la cirrhose. Parmi l’ensemble des personnes ayant une stéatose, moins de 5 % ont une fibrose pré-cirrhotique et 1 % une cirrhose. Ces pourcentages peuvent paraître faibles mais compte tenu de la fréquence de la stéatose, ils représentent au final un nombre important de personnes.

Qui présente un risque ?

L’obésité et bien d’autres facteurs de risque

La stéatose hépatique est retrouvée préférentiellement chez les patients en surpoids ou obèses. Néanmoins, l’obésité n’implique pas obligatoirement la présence d’une stéatose : une personne obèse sur deux développe une stéatose. Le risque de stéatohépatite et de fibrose est d’autant plus important qu’il y a de facteurs de risque métabolique (diabète, dyslipidémie, hypertension artérielle). La stéatose pourrait elle-même aggraver le métabolisme des lipides et des glucides et ainsi précipiter le syndrome métabolique. Un cercle vicieux. Les autres facteurs favorisant la stéatose, la NASH et la fibrose sont le style de vie (régime alimentaire déséquilibré, manque d’activité physique), les facteurs génétiques, et le microbiote intestinal dont on commence juste à explorer le rôle dans cette maladie.

Les examens

Des tests simples non invasifs en première ligne

Dans la grande majorité des cas, les motifs de découverte de la maladie sont une stéatose hépatique à l’imagerie (échographie ou scanner), une anomalie du bilan biologique hépatique, ou un excès de fer dans le sang (hyperferritinémie).

Chez des patients en surpoids ou obèses ayant des comorbidités comme le diabète, la dyslipidémie ou l’hypertension artérielle, on commence à imaginer des stratégies de dépistage au moyen de tests non invasifs. Un exemple est le test sanguin FIB4 qui associe des paramètres sanguins simples (transaminases, plaquettes) et qui peut être calculé gratuitement sur internet ou via des applications smartphones. Ce type de test non-invasif simple utilisé en médecine générale ou par les médecins spécialistes tels que les diabétologues, permet d’éliminer la présence de la fibrose hépatique chez une grande partie des patients (70/80 %). Lorsqu’ils sont positifs, ils permettent d’orienter le patient vers une évaluation plus spécifique incluant un test sanguin spécialisé (ex : FibroMètre©, FibroTest©) et/ou une mesure de la dureté du foie avec un appareil d’élastométrie (ex : FibroScan©), décisive pour l’indication de la biopsie hépatique dont l’objectif est de déterminer la gravité de l’atteinte hépatique (NASH, fibrose).
 

Les traitements

Petite perte de poids, gros effet sur la NASH

La bonne nouvelle est qu’il suffit de perdre un peu de poids pour améliorer les lésions hépatiques observées dans la maladie. En effet, la perte de poids permet une réversibilité de l’inflammation voire de la fibrose hépatique : perdre 10 % du poids du corps fait disparaître la stéatohépatite dans 90 % des cas.

D’un point de vue pharmacologique, aucun traitement n’a actuellement d’autorisation de mise sur le marché (AMM) mais de nombreuses molécules sont en cours d’évaluation. Il est par ailleurs important de bien traiter et équilibrer l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie.

Chez les patients cirrhotiques, la réalisation d’une échographie du foie tous les six mois est systématique afin de détecter les cancers du foie lorsqu’ils sont de petite taille et ainsi proposer un traitement curatif.

Signes d'alarmes
La maladie non alcoolique du foie est silencieuse, même au stade de fibrose
Les personnes ayant une stéatose ne se plaignent souvent de rien. La maladie peut ainsi évoluer jusqu’au stade de cirrhose débutante sans aucun symptôme ni signe clinique. Ensuite, les complications surviennent au stade de cirrhose dite décompensée : ascite (accumulation de liquide dans la cavité abdominale), encéphalopathie (troubles de la conscience), hémorragie digestive par rupture de varice (une grosse veine dans l’œsophage qui se rompt), insuffisance rénale, cancer du foie. Lorsque les complications surviennent, le diagnostic est aisé, mais il est bien souvent trop tard car l’espérance de vie n’est plus que de un à deux ans. La problématique est donc d’établir le diagnostic avant le stade de cirrhose lorsque le patient est asymptomatique et que les examens classiques (prise de sang, échographie hépatique) ne révèlent que de banales anomalies voire sont normaux.
Chiffres
1 sur 5
Un Français adulte sur 5 a une stéatose hépatique
90 %
90 % des personnes obèses et diabétiques de type 2 ont une stéatose hépatique
220 000
Environ 220 000 adultes en France seraient atteints d’une maladie du foie avancée avec stéatose, inflammation et fibrose pré-cirrhotique ou cirrhose

La cirrhose et même le stade pré-cirrhotique de la NASH favorisent la survenue du cancer du foie
25 %
La NAFLD représente 25 % des cas de cancers hépatiques
20 à 40
Au stade de fibrose avancée et de cirrhose, le risque de complications hépatiques (décompensation de cirrhose, carcinome hépatocellulaire) est 20 à 40 fois plus élevé comparé aux patients sans fibrose hépatique
Idées reçues
La stéatose hépatique non alcoolique est une bombe à retardement
Vrai
Conséquences des épidémies d’obésité et de diabète de type 2 qui ont débuté il y a 20 à 30 ans, une forte augmentation de cirrhoses, de carcinomes hépatocellulaires et de mortalité est attendue dans les prochaines années. Comme l’évolution de la NAFLD vers la cirrhose est lente, on assiste seulement aujourd’hui à l’augmentation des cas de cirrhoses, et les complications surviendront dans quelques années. Progressivement, la NAFLD devient une cause importante de cancer hépatique. La part de la NAFLD représente aujourd’hui 25 % des cas de cancers hépatiques. La NAFLD est déjà la première cause de cirrhose dans plusieurs cohortes américaines de patients. On estime que d’ici à vingt ans, elle sera devenue la première cause de transplantation hépatique.
Il faut y penser chez les personnes diabétiques de type 2
Vrai
Chez les diabétiques de type 2, la prévalence de la stéatose hépatique (ou NAFLD) est doublée voire triplée comparé aux personnes non diabétiques ainsi qu’une progression plus rapide vers la NASH et la fibrose. 30/40 % des diabétiques de type 2 avec une NAFLD développeront une NASH et 10/15 % ont une fibrose avancée.
Les personnes hypertendues ne sont pas à risque de « foie gras »
Faux
Les maladies du foie due à l’obésité sont des hépatopathies dysmétaboliques car apparaissant préférentiellement chez des personnes ayant un syndrome métabolique. Selon la Fédération internationale du diabète, une personne est atteinte du syndrome métabolique lorsqu’elle présente une obésité abdominale (tour de taille supérieur à 94 cm chez les hommes et 80 chez les femmes) et au moins deux des facteurs suivants : un taux élevé de triglycérides (égal ou supérieur à 1,7 mmol/L, l’équivalent de 150 mg/dL), un faible taux de cholestérol HDL (le « bon » cholestérol, inférieur à 1,03 mmol/L soit 40 mg/dL chez un homme et à 1,29 mmol/L soit 50 mg/dL chez une femme), une pression artérielle supérieure ou égale à 130 mmHg pour la pression artérielle systolique et à 85 mmHg pour la pression artérielle diastolique, ainsi qu’un taux élevé de glycémie veineuse (glycémie veineuse à jeun égale ou supérieure à 5,6 mmol/L soit 100 mg/L). Chez ces personnes, il peut être intéressant de dépister une éventuelle atteinte hépatique.
Il est recommandé de dépister de manière systématique une stéatose chez les personnes à risque
VRAI & FAUX. L’AFEF (association française pour l’étude du foie) recommande l’évaluation de la fibrose chez les personnes ayant des facteurs de risque métaboliques, dont les personnes diabétiques de type 2. Selon les recommandations de l'EASL (association européenne pour l'étude du foie), de l'EASD (association européenne pour l'étude du diabète) et de l'EAO (association européenne pour l'étude de l’obésité) parues en 2016, chez les personnes à haut risque (diabétiques de type 2, syndrome métabolique), il est conseillé de déceler des cas de maladie hépatique avancée.
L’accumulation de graisse dans le foie concerne aussi les enfants
Vrai
Ce serait une erreur de penser que l’accumulation de graisse dans le foie s’observe uniquement chez l’adulte, en particulier en surpoids et/ou diabétique. Les enfants en souffrent aussi, de plus en plus souvent et de plus en plus tôt dans la vie. Le fait d’être en surpoids joue un rôle prépondérant et ce dès le plus jeune âge. On dispose désormais d’études qui ont suivi des enfants de la naissance à l’âge adulte : ceux ayant développé une NASH dans l’enfance ont un risque de cirrhose et de cancer à l’âge adulte plus important que ceux l’ayant développé à l’âge adulte. Les facteurs de risque métaboliques ne sont pas les seuls impliqués. Sans pour autant être en surpoids ou diabétique (plutôt dans ce cas chez les adultes avec un diabète de type 2), l’alimentation (l’excès de fructose, les conservateurs, les graisses saturées) peut conduire à une NASH en favorisant un état pré-diabétique chez l’enfant. Des facteurs génétiques interviennent également dans l’atteinte du foie. Des facteurs liés à l’hôte lui-même comme la flore intestinale interviennent : des enfants obèses avec une NASH ont un microbiote intestinal différent d’enfants obèses sans NASH. L’inflammation chronique retrouvée dans le diabète et l’obésité serait alimentée par le microbiote intestinal. Encore plus chez l’enfant, le mot-clé est « prévention ». Sodas et sodas light, régime riche en graisses saturées et en cholestérol sont toxiques pour le foie, au contraire des graisses insaturées, des fibres et des vitamines C et E.