Expert / Relecteur
Pr F. Zerbib / Dr B. Hanslik
Rédaction
H. Joubert - Dessin : O. Juanati - Images : © Pr F. Zerbib - Vidéo : © Dr E. Chabrun
Décembre 2017

Les aliments ne descendent pas dans l’estomac par le seul phénomène de gravité mais poussés par les contractions de l’œsophage. L’achalasie, un trouble de la motricité œsophagienne révélé par une sensation de gêne à la déglutition, doit être explorée par une endoscopie digestive puis confirmée par une manométrie œsophagienne.

Contenu de la page
oesophage-estomac_illustration_o_juanati_-_c_snfge_bd.jpg

Une fois déglutis, les aliments transitent jusqu’à l’estomac au moyen de contractions musculaires œsophagiennes (péristaltisme), qui assurent la progression du contenu d'un organe creux de l’amont vers l’aval. Les aliments parviennent ensuite dans l’estomac grâce à l’ouverture du sphincter inférieur de l’œsophage, sorte de clapet entre l’œsophage et l’estomac qui se referme ensuite pour éviter les reflux gastro-œsophagiens .

Dans le trouble moteur de l’œsophage qu’est l’achalasie ou cardiospasme, deux anomalies fonctionnelles coexistent dans la majorité des cas : l’absence de contraction œsophagienne (apéristaltisme) d’une part, et l’absence ou l’ouverture incomplète - on parle de relaxation - du sphincter inférieur de l'œsophage d’autre part.  

Il en résulte une dysphagie c’est-à-dire une sensation de blocage des aliments au moment de la déglutition ou lors de leur passage dans l'œsophage, des régurgitations (« remontées ») d’aliments ou de liquides qui stagnent dans l’œsophage, et parfois des douleurs thoraciques constrictives.

Ces difficultés évoluent souvent sur de nombreuses années, de manière intermittente et capricieuse survenant avec les solides et/ou les liquides. Elles s’aggravent progressivement et entraînent un amaigrissement parfois important.

Quelles sont les causes ?

De cause inconnue…

Les causes de l’achalasie sont encore floues. Elle est provoquée par une dégénérescence des nerfs de la paroi de l’œsophage dont l’origine exacte n’est pas connue ; une prédisposition génétique et les pistes immunitaire ou virale sont évoquées pour expliquer ces troubles neurologiques.

Qui présente un risque ?

L’achalasie est une maladie rare

Toute personne peut en souffrir, à tous les âges, même s’il existe un pic de fréquence entre 30 et 40 ans.

Les examens
Pas de diagnostic sans manométrie œsophagienne

Toute dysphagie doit obligatoirement être explorée au moyen d’une endoscopie digestive, plus exactement une endoscopie œso-gastro-duodénale (fibroscopie/gastroscopie) afin d’observer la muqueuse de l’œsophage. Elle permet d’écarter une tumeur cancéreuse de la jonction œsogastrique (cardia) à l’origine de symptômes similaires. Elle met de plus en évidence des signes indirects d’achalasie, telle la stase d’aliments dans l’œsophage ou un œsophage dilaté.

Cependant, l’endoscopie œso-gastro-duodénale peut ne détecter aucune anomalie, surtout dans les formes débutantes. C’est pourquoi un examen radiologique de l’œsophage (transit baryté) peut être réalisé. Le patient ingère de la baryte, un produit de contraste opaque aux rayons X, puis des clichés radiographiques sont pris à différents temps, visualisant un œsophage dilaté qui se vide mal.

achalasie_tranit_baryte.jpg
Achalasie sur transit baryté

Image : © Pr Frank Zerbib (CHU de Bordeaux)

Enfin, le diagnostic doit obligatoirement être confirmé par une manométrie œsophagienne, l’exploration clé pour identifier un trouble moteur œsophagien. Une sonde mesure les pressions le long de l'œsophage et le degré de relaxation du sphincter œsophagien inférieur. En cas d’achalasie, la manométrie constate l’absence d’ondes œsophagiennes propagées (« apéristaltisme ») en réponse à des déglutitions d’eau ainsi qu’une hypertonie ou une absence totale ou incomplète de relaxation du sphincter œsophagien inférieur.

manometries_normale_et_anormale_achalasie.jpg
Manométrie normale et manométrie anormale (achalasie)

Image : © Pr Frank Zerbib (CHU de Bordeaux)

Les traitements

La POEM, futur traitement de référence de l’achalasie ?

Comme il est impossible de restaurer le péristaltisme œsophagien, les traitements proposés ont tous pour objectif de réduire la pression du sphincter inférieur de l’œsophage.

Aucun médicament n’est réellement efficace (dérivés nitrés par voie sublinguale, par exemple).

De la toxine botulique peut être injectée dans le sphincter inférieur de l’œsophage par voie endoscopique afin de le relâcher. Renouvelable tous les six à douze mois, elle est principalement indiquée chez les patients les plus fragiles.

La dilatation endoscopique à l’aide d’un ballonnet placé à la jonction œsogastrique ("dilatation pneumatique") permet d’étirer les muscles et favoriser la vidange de l’œsophage. Efficace à près de 80%, elle expose à un risque de récidive (1/3 des patients à deux ans), d’où des interventions itératives.

La chirurgie est aussi une option, avec l’incision du sphincter inférieur de l’œsophage par voie chirurgicale, plus précisément par coelioscopie, technique chirurgicale mini-invasive au moyen de trocarts au niveau de l'abdomen. Cette "myotomie chirurgicale" est le plus souvent associée à la création d’un clapet au niveau de la jonction œsogastrique pour limiter le risque de reflux gastro-œsophagien.

Une autre approche dénommée myotomie per-orale endoscopique (POEM) est très récente : comme son nom l’indique, l’incision est réalisée cette fois-ci non plus par voie coelioscopique mais endoscopique. Efficace à 90%, elle est grevée d’une très faible morbidité. Elle consiste à créer un tunnel dans la paroi de l’œsophage afin d’accéder directement au sphincter inférieur de l’œsophage pour le sectionner. Si les complications sont rares, un reflux gastro-œsophagien peut néanmoins survenir chez un patient sur trois.

Vidéo d'une myotomie per-orale endoscopique (POEM)
Vidéo : © Dr E. Chabrun (CHU de Bordeaux)

Signes d'alarmes
Toute difficulté importante à déglutir doit faire consulter
Premier signe évocateur, la dysphagie est souvent modérée et capricieuse, présente chez 90 % des personnes souffrant d’achalasie. Elle peut néanmoins devenir très gênante et être à l’origine d’une perte de poids voire d’une dénutrition. Les régurgitations font à 70 % partie du tableau clinique et, plus rarement, des douleurs rétrosternales constrictives ou pseudo-angineuses laissant croire à un infarctus du myocarde mais non lié à l'effort.
Le risque de pneumopathie - infection pulmonaire - est présent lorsque la personne est en position allongée, du fait de l’inhalation du liquide œsophagien dans les voies respiratoires.
Chiffres
2 pour 1 000
Sa prévalence est estimée à 2 pour 100 000 personnes.
Idées reçues
Les régurgitations signent l’existence d’un reflux gastro-œsophagien (RGO)
Faux
Avec la dysphagie, les régurgitations sont l'autre grand symptôme de l'achalasie et peuvent orienter à tort vers un RGO.
Une difficulté à avaler est forcément une achalasie
Faux
Bien d’autres pathologies entravent la déglutition et peuvent donner lieu à un diagnostic erroné d’achalasie comme une complication de reflux gastro-œsophagien, une tumeur de la jonction œsogastrique, une œsophagite à éosinophiles.
L’achalasie n’est pas le seul trouble moteur de l’œsophage
Vrai
Le spasme œsophagien distal (présence de contractions prématurées), l’œsophage hypercontractile (l’œsophage "marteau-piqueur", avec des contractions normalement propagées, mais d’amplitude excessive) et l’apéristaltisme œsophagien sont d’autres troubles moteurs œsophagiens, néanmoins plus rares que l’achalasie.
Il existe par ailleurs des troubles moteurs œsophagiens dits "secondaires", observés au cours du reflux gastro-œsophagien, de maladies affectant le collagène (sclérodermie) ou touchant l’innervation ou la musculature de l’œsophage : diabète, maladies rares comme l'amylose (dépôt de protéines), affections du système nerveux, infiltration de cellules anormales (néoplasie) ou encore parasitose (maladie de Chagas).