Expert / Relecteur
Pr T. Aparicio / Dr J-M. Rouillon
Rédaction
H. Joubert - Dessin : O. Juanati
​Juillet 2019

L’incidence du cancer du pancréas, dont l’adénocarcinome pancréatique est le type le plus courant, ne cesse de croître, notamment chez les femmes. Or, le pronostic du cancer du pancréas, souvent diagnostiqué tardivement, reste sombre, expliquant que la mortalité ne baisse pas. A tel point que l’adénocarcinome pancréatique pourrait devenir la seconde cause de mortalité par cancer dans les années 2030-2040.

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Outre son rôle majeur dans la digestion avec la libération d’enzymes digestives dans l’intestin, le pancréas permet la régulation du taux de glucose dans le sang grâce à la sécrétion d’hormones (insuline et glucagon) déversées dans la circulation sanguine par les îlots de Langerhans (cellules dites « endocrines »).

Ces vingt dernières années, on observe une augmentation massive de l’incidence du cancer du pancréas, dans toutes les régions du monde, avec une incidence qui a crû de 248 % depuis les années 1980. Elle devrait doubler d’ici à 2030 aux Etats-Unis et en Europe.

En France, l’incidence est passée de 6 000 nouveaux cas/an en 2006 à 12 000 en 2012 et 14 000 nouveaux cas/an aujourd’hui.

Le cancer du pancréas touche autant les hommes et les femmes. La grande majorité des personnes diagnostiquées est âgée de plus de 50 ans. Le nombre de nouveaux cas de cancer du pancréas en 2018 était de 7 301 chez les hommes et de 6883 chez les femmes (données INCa 2019).

Entre 1990 et 2018*, le taux d’incidence des cancers du pancréas a augmenté selon un rythme moyen de 2,7% par an chez les hommes et, de manière plus soutenue, de 3,8% chez les femmes. 
En parallèle, le taux de mortalité liée à ces cancers augmente, lui aussi, de façon plus marquée chez les femmes (+1,2% par an). Il y a eu 5 790 décès en 2018. 
Troisième cause de mortalité par cancer, le cancer du pancréas pourrait se hisser à la deuxième place d’ici à 2030-2040, en France comme dans le monde, devant le cancer du poumon et le cancer colorectal.

Neuf cancers du pancréas diagnostiqués sur dix sont des adénocarcinomes canalaires. Ils se développent à partir des cellules qui produisent le suc pancréatique, précisément des cellules acineuses et canalaires (lien sur le dessin), qui sécrètent les enzymes digestives.

Les 10 % restants sont des tumeurs rares du pancréas, de formes très variables.

Les tumeurs ou carcinomes neuroendocriniens (2 à 3 % de toutes les tumeurs du pancréas) se développent à partir des cellules endocrines du pancréas, celles qui produisent des hormones. A leur tour, ces cellules anormales synthétisent des hormones qui peuvent entraîner des déséquilibres hormonaux, d’où le terme de « tumeurs neuroendocrines fonctionnelles ».

Quant au cystadénocarcinome (1 à 2 % des cancers du pancréas), c’est une évolution maligne et symptomatique d’un kyste bénin appelé « cystadénome » mucineux.

Les adénocarcinomes polymorphes, les carcinomes adénosquameux, les carcinomes à cellules acineuses, les micro-adénocarcinomes, les pancréatoblastomes, les oncocytomes malins ou les tumeurs acineuses sont d’autres formes rares de cancers du pancréas.

Quelles sont les causes ?

Diabète, tabagisme et obésité mais aussi aliments transformés, pesticides et métaux lourds pointés du doigt

Les raisons de la fréquence accrue du cancer du pancréas ne sont pas connues. Elle est liée à une meilleure détection grâce à l'amélioration des techniques d'imagerie, à un meilleur enregistrement des cas et probablement à une augmentation de la prévalence de facteurs de risque (obésité, diabète...).

En effet, le tabagisme, l’obésité et le diabète, sont des facteurs reconnus du cancer du pancréas. De façon plus anecdotique, le fait d’avoir une pancréatite chronique et des facteurs génétiques de susceptibilité peuvent être également des facteurs favorisants. Ils ne peuvent cependant expliquer à eux seuls l’explosion de l’incidence du cancer du pancréas.

Les chercheurs s’orientent donc vers d’autres causes, et notamment les modifications radicales du mode de vie dans les années 1980, en l’occurrence l’industrialisation de l’alimentation avec des coupables potentiels (additifs, excès de lipides, de glucides…). Ces aliments transformés sont déjà associés au risque de cancer, au-delà de la toxicité liée aux cellules graisseuses (adipocytes) et au syndrome inflammatoire généralisé (systémique) dû au surpoids et au diabète.

Des molécules spécifiques - nanoparticules comme par exemple le dioxyde de titane - jouent peut-être aussi un rôle, de même que l’augmentation massive de l’utilisation des pesticides, comme le suggère un risque accru de ce cancer chez certains groupes d’agriculteurs (viticulteurs, etc.). Enfin, l’hypothèse des métaux lourds est considérée avec intérêt par les chercheurs. Il a en effet été montré que les personnes atteintes d’un cancer du pancréas étaient plus exposées à certains métaux lourds, dont le cadmium. Cette théorie est étayée par le fait que, dans les études, le zinc alimentaire est inversement associé au risque de cancer du pancréas.

Qui présente un risque ?

Tabagisme, syndrome métabolique et surpoids

Le tabagisme actif et passif, le syndrome métabolique, le diabète, l’obésité (et même dès le stade de surpoids avec IMC > 25 kg/m2) et l’antécédent familial de cancer ressortent sans surprise comme des facteurs prédisposant au développement d’un cancer du pancréas. Précisément, le tabagisme est impliqué dans le développement du cancer du pancréas dans 20 à 30 % des cas.

Les mutations génétiques qui prédisposent à un cancer du pancréas les plus fréquentes touchent le gène BRCA2 (qui augmente également le risque de cancer du sein), et le gène CDKN2A (associé au mélanome de la peau).

Certaines maladies héréditaires exposent à un risque supérieur de cancer du pancréas : la maladie de Peutz-Jeghers, la maladie de Lynch et la maladie de von Hippel-Lindau.

Les maladies chroniques du pancréas (Tumeurs intrapapillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP), pancréatite chronique alcoolique ou génétique) exposent également à un risque accru de cancer du pancréas.

Les examens

Une tomodensitométrie ou une IRM pour visualiser une tumeur du pancréas

L’imagerie par échographie peut être difficile du fait de la position du pancréas, organe abdominal profond, notamment chez les obèses. Un scanner (tomodensitométrie) ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) sont plus appropriés pour visualiser précisément l’anatomie du pancréas et pour détecter la présence d’une éventuelle tumeur. De plus, ces examens non invasifs permettent de caractériser la lésion (taille, étendue, emplacement) et de vérifier si elle est en contact avec des vaisseaux sanguins à proximité du pancréas.

Une écho-endoscopie (une sonde d’échographie est introduite par la bouche jusqu’à l'intérieur de l'estomac) peut être incontournable afin de déterminer précisément l’étendue de la tumeur.

Une biopsie est presque toujours nécessaire pour confirmer le diagnostic et permettre de décider des thérapeutiques.

Les traitements

La chirurgie, principal traitement du cancer du pancréas

La progression du nombre de cancers du pancréas est d’autant plus dramatique qu’il n’existe pas de thérapeutique réellement efficace au stade métastatique (50 % des cas lors du diagnostic) ou au stade localement avancé (30 % des cas).

Lors d'une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), plusieurs médecins de différentes spécialités (hépato-gastroentérologues, chirurgiens, etc.) discutent des meilleurs traitements possibles. Ceux-ci dépendent de l’extension du cancer, en particulier de la taille et du développement de la tumeur vers d'autres organes ou vaisseaux sanguins (en particulier artère mésentérique supérieure ou tronc cœliaque) dans le voisinage du pancréas, de l’éventuelle colonisation des ganglions lymphatiques ainsi que de la présence de métastases dans d’autres localisations de l’organisme.

La chirurgie est le traitement principal du cancer du pancréas. Dans le jargon médical, on parle de duodéno-pancréatectomie céphalique pour une intervention sur la tête du pancréas et de spléno-pancréatectomie gauche lorsqu’elle intéresse la queue du pancréas. Elle consiste à retirer la partie du pancréas sur laquelle la tumeur s'est développée, ainsi que les organes voisins ou parties d’organes touchés. Mais elle n’est profitable que lorsque la tumeur est localisée au pancréas, sans métastases, voire, si elle s’est malgré tout propagée, lorsqu’elle épargne cependant les vaisseaux sanguins voisins. De plus, une maladie cardiaque, pulmonaire, rénale ou une cirrhose du foie contre-indiquent la chirurgie. Dans ce cas, afin de freiner l’évolution cancéreuse, les spécialistes optent pour une chimiothérapie (gemcitabine, 5FU…).

Par ailleurs, une fois la tumeur retirée chirurgicalement, une chimiothérapie dite adjuvante peut être décidée, par sécurité.

Quand la tumeur obstrue les voies biliaires (ictère) et/ou le duodénum (occlusion, impossibilité de s’alimenter), une prothèse (« stent ») peut être posée par endoscopie pour permettre à la bile de s’écouler de nouveau normalement ou au patient de s’alimenter.

Le suivi (visites, examens complémentaires dont échographie, scanner abdominal, radiographie du thorax, glycémie à jeun) est adapté au cas par cas, en fonction de la tumeur et du traitement reçu.

En France, la survie des malades cinq ans après le diagnostic est actuellement de 5 % en moyenne, mais cette proportion avoisine les 20 % s’il est possible d’enlever complètement la tumeur. 

Signes d'alarmes
Une tumeur insidieuse qui évolue à bas bruit
Le cancer du pancréas se développe de manière silencieuse, pendant des mois voire des années. Dans plus de 90 % des cas, le diagnostic d’adénocarcinome pancréatique est posé à un stade où plus aucun traitement chirurgical à visée curative n'est possible, en raison soit de métastases (lorsque la tumeur dissémine dans l’organisme), soit d'un envahissement d'un gros vaisseau à proximité.
En effet, ça n’est qu’une fois que la tumeur est volumineuse qu’elle perturbe le fonctionnement de l’organe et que les symptômes apparaissent. Ce sont principalement des douleurs qui ne cèdent pas, au creux de l’estomac, pouvant irradier dans le dos et perturber le sommeil.
La douleur s’accompagne généralement de troubles digestifs, comme une perte d’appétit, une digestion difficile ainsi que des nausées ou encore une jaunisse associée à des démangeaisons (prurit). Parfois, seule la jaunisse (ictère) est présente car la tumeur obstrue la voie biliaire et empêche la bile de s’écouler normalement.
L'apparition ou l'aggravation rapide d'un diabète doit également faire évoquer ce cancer chez une personne de plus de 40 ans sans antécédent familial de diabète et sans obésité.
Chiffres
14 000 / an
14 184 nouveaux cas de cancer du pancréas en France en 2018.
50% des cas sont au stade métastatique lors du diagnostic.
30% des cas sont à un stade « localement avancé » lors du diagnostic.
L'adénocarcinome canalaire pancréatique représente 90 % des cancers du pancréas diagnostiqués.
5 790 décès
5 790 décès en 2018 liés au cancer du pancréas.
+ de 50 ans
La grande majorité des personnes chez qui on a diagnostiqué un cancer du pancréas a plus de 50 ans. Le maximum de fréquence se situe entre 60 et 70 ans.
Idées reçues
Il existe des tumeurs bégnines du pancréas
Vrai
Rares, elles représentent environ 2 % des masses suspectes découvertes. Les tumeurs bénignes les plus fréquentes sont le pseudokyste pancréatique et le cystadénome séreux. Ce ne sont pas des cancers mais des masses, ou nodules, qui se développent sur le pancréas, sans conséquence pour la santé.
Une consommation excessive d’alcool augmente le risque de cancer du pancréas
Faux
La consommation excessive d’alcool, mais aussi une infection bactérienne à Helicobacter pylori, ou une infection par le virus de l’hépatite B, n’ont pas d’impact formellement démontré dans la survenue ou la croissance d’un adénocarcinome pancréatique.
Le cancer du pancréas a des conséquences sur l'alimentation
Vrai
L'équipe médicale peut décider d’une aide nutritionnelle en sucres, graisses, protéines, vitamines, etc. pour éviter les conséquences d’une éventuelle dénutrition.
La pose de prothèses biliaires ou duodénales est systématique en cas de cancer du pancréas
Faux
Lorsque la tumeur se développe sur la tête du pancréas, les cellules cancéreuses entrent parfois en contact et exercent une pression sur le canal cholédoque, chargé de transporter la bile du foie jusqu’à l'intestin. L'écoulement de la bile est alors bloqué (cholestase), ce qui provoque une jaunisse, des démangeaisons et de la fièvre. La bile ne participe plus au phénomène de digestion. La mise en place d’une prothèse, un morceau de tube semi-rigide, métallique ou en plastique, maintient le canal ouvert et l’écoulement de la bile.